Neila Tazi : Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde, acteur structurant de l'économie culturelle marocaine

Le Festival Gnaoua et Musiques du Monde d'Essaouira constitue un acteur structurant de l'économie culturelle marocaine et un modèle de référence à l'échelle africaine, depuis plus de 25 ans, a souligné Neila Tazi, productrice du Festival.
Dans une interview accordée à la MAP à la veille de la 26e édition du Festival, prévue du 19 au 21 juin, Mme Tazi a indiqué que grâce à une persévérance constante et à un plaidoyer engagé, le Festival a démontré que la culture n'est pas un luxe, mais un véritable levier de développement territorial, d'inclusion sociale et de rayonnement international.
Le Festival a largement contribué à l'émergence d'un nouveau secteur : celui des industries culturelles et créatives (ICC), capables de générer de la valeur économique, de créer des emplois durables et d'ancrer la confiance dans l’avenir, a-t-elle affirmé, notant que ce secteur, très prometteur, représente l'une des réponses les plus pertinentes aux défis de l'emploi et de la croissance.
Dans ce sens, elle a précisé que la culture s'affirme de plus en plus comme un pilier stratégique de la diplomatie marocaine, ajoutant qu'à travers la richesse et la diversité de ses initiatives culturelles, le Maroc porte une énergie collective et le Festival Gnaoua et Musiques du Monde en constitue une illustration emblématique, par le biais d'une diplomatie par la culture, sensible, enracinée, globale et inclusive que le Festival incarne avec force et vision.
En valorisant un patrimoine africain profondément inscrit dans l'histoire du Maroc, ce Festival contribue à réinventer les formes d'un dialogue culturel afro-centré, fondé sur le respect mutuel, l'échange et la réappropriation d'une mémoire commune, en veillant à replacer l'Afrique au cœur du récit, non comme un objet de folklore, mais comme une force vive et créative, spirituelle et politique, a fait observer Mme Tazi.
Évoquant la longévité remarquable du Festival, elle a relevé que son secret réside dans sa capacité à concilier fidélité et transformation, puisqu'il cultive, depuis 26 ans, un équilibre entre la préservation rigoureuse d'un art ancestral, celui des Maâlems Gnaoua et l'ouverture à des musiques et influences venues d’ailleurs.
"Ce positionnement, à la fois enraciné et universel, permet au Festival de parler à toutes les générations, à tous les publics. Dans un monde où les repères culturels s'uniformisent, il défend une singularité marocaine qui assume fièrement sa profondeur africaine", a-t-elle fait observer. Pour ce qui est de l'approche du Festival, elle a affirmé qu'elle est avant tout respectueuse, étant donné que les Maâlems ne sont pas de "simples artistes invités", mais les piliers du projet.
Leur art est traité avec la dignité qu'il mérite, en tant que forme de sagesse populaire, de spiritualité, mais aussi de résistance.
En créant des dialogues avec d’autres traditions musicales africaines, afro-caribéennes ou occidentales, le festival ne dilue pas l’authenticité gnaouie : il la projette sur d’autres scènes, il l’élargit sans jamais la trahir.
S'agissant du Forum des droits humains organisé dans le cadre du Festival, Mme Tazi a fait savoir qu'il s'inscrit pleinement dans la vision globale du Festival et le transforme en un véritable espace de réflexion, de dialogue et d'engagement, depuis 12 ans, en mettant en débat des enjeux cruciaux tels que les mobilités humaines, la jeunesse, les diasporas, la condition des femmes, les identités plurielles, l’égalité, le numérique et la résistance par la culture.
Par ailleurs, concernant le programme "Berklee au Festival Gnaoua et Musiques du Monde", elle a indiqué qu'il s'agit d'une véritable passerelle entre les musiques du monde et l'excellence académique internationale. Né d’un partenariat avec le prestigieux Berklee College of Music, ce programme offre une plateforme unique de dialogue, de transmission et de création entre les Maâlems Gnaoua et des musiciens venus des quatre coins du monde.
En intégrant la musique Gnaoua dans un cadre pédagogique reconnu comme celui de Berklee, cette initiative lui offre une reconnaissance nouvelle, au- delà de ses cercles traditionnels ou événementiels, tout en préservant son essence.
Elle permet également de documenter, analyser, transmettre cet art dans des contextes universitaires, et ainsi de le préserver, l’enrichir et le faire rayonner.