(Billet 21) - Selon que vous serez puissant ou misérable…
Le complexe du colonisé a parfois la peau dure… le réflexe du colon aussi, d’ailleurs. Quoique fassent les pays dits (gentiment) en voie de développement, il y aura toujours quelqu’un du Nord pour exprimer son avis et donner une note… Souvent, c’est bien malheureusement justifié, comme la récente adresse d’Emmanuel Macron à Abdelfattah al-Sissi, dont la réputation d’humaniste reste à faire… Mais parfois, et depuis quelques années, ces avis sont malvenus car, comme la charité, l’exemplarité bien ordonnée commence par soi-même.
Ainsi donc, Carlos Ghosn… Voilà un homme soupçonné d’avoir floué plusieurs fiscs pour gonfler son pouvoir d’achat. C’est certes grave mais cela ne mérite pas deux mois en préventive. Et à supposer que si, pas dans les conditions qu’on sait. En Espagne et depuis 18 mois, la justice très indépendante émet des arrêts pour l’affaire catalane, qui correspondent très singulièrement aux intérêts politiques du moment… En France, on tire à l’œil, gratuitement… on arrache des mains, coupables du terrible péril de tenir une pancarte. Aux Etats-Unis, on massacre allégrement dans les rues, on exécute joyeusement dans les prisons, on tabasse copieusement dans les commissariats…
De tout cela, on parle peu ou pas, et admirable est la discrétion des ONG des droits. Un ou deux petits communiqués timides dans un jargon qui fait le charme des vrais experts, un froncement de sourcils à l’abri des regards, et c’est fini. L’indignation est à géométrie variable.
Pourquoi donc, au Maroc, quand la justice prend la décision de suspendre une association jugée beaucoup trop impertinente, les officiels plient l’échine, terrassés par la culpabilité ? Pourquoi pour Gdim Izik, n’a-t-on pas crié à la face du monde que ces gens qui ont égorgé des soldats à terre, puis profané leurs corps, méritent leur sort et basta ? Aux USA, ils auraient été condamnés à mort, et en France, à vie.
Oh certes, notre justice est loin d’être reluisante, mais elle se soigne, lentement sans doute, mais sûrement. Abus, pots-de-vin et vains réflexes d’incarcérer à tour de clé, oui… Mais nous avons nos ONG, nos observateurs, nos constateurs… et l’ONU, qui multiplie les satisfecit. Pas besoin d’autres pour dire comment agir.
Aujourd’hui, turpitudes judiciaires et forfaitures policières fleurissent partout. Aujourd’hui, ce ne sont plus des Etats qui doivent en sermonner d’autres… les opinions, les sociétés se chargent de mettre leurs gouvernements au pied du mur, de les bousculer, de les harceler, de les sermonner, de les accabler.
Selon que vous serez puissant ou misérable, les ONG vous feront blanc ou noir, aurait pu dire Lafontaine. Alors ne paraissons plus misérables, car la puissance n’a plus de sens…
Aziz Boucetta
