(Billet 1191) - Elections 2026, l'Intérieur à l’assaut de la forteresse RNI

(Billet 1191) - Elections 2026, l'Intérieur à l’assaut de la forteresse RNI

C’est généralement le ministère de l’Intérieur qui, dans tant de pays, organise et supervise les élections. Au Maroc aussi, et cela a longtemps posé problème. La confiance ne régnait pas et les soupçons imprégnaient l’opération électorale, avant, pendant et après. Aujourd’hui, le roi Mohammed VI vient de charger le plus solennellement du monde, et personnellement, Abdelaoufi Laftit de se charger de cette échéance. On s’en réjouit car le RNI du chef du gouvernement, livré à lui-même, ne sait pas faire la part des choses et voudra accaparer encore le scrutin, à sa grosse manière de gros sabots. C’est dangereux ; le roi y a mis le holà, et c’est heureux.

Dans son discours de la semaine dernière, le roi Mohammed VI s’exprimait ainsi : « Nous insistons sur la nécessité de préparer le code général des élections à la Chambre des représentants afin qu’il soit adopté et porté à la connaissance générale avant la fin de l’année en cours. A cet égard, nous avons donné nos hautes directives à notre ministre de l’intérieur pour que le prochain scrutin législatif fasse l’objet d’une préparation judicieuse et, qu’à cet effet, des consultations politiques soient ouvertes avec les différents acteurs ».

En clair, l’organisation des élections n’est pas confiée au gouvernement comme cela devrait être le cas dans une démocratie pure et parfaite, mais notre démocratie n’est pas pure et parfaite et la nature de la coalition majoritaire actuelle en est la preuve. Le premier parti a toujours été un parti d’appoint, sans idéologie connue ni positionnement régulier, propulsé à la pole position, et le second, de création récente, biberonné au pouvoir à défaut d’y être dûment préparé, œuvre de toute son âme à s’y maintenir ; quant au 3ème parti, il est aussi le plus ancien et le plus prestigieux, et il se demande ce qu’il fait dans cette configuration politique sans âme ni véritable programme.

Si le roi a confié l’organisation des élections à Abdelouafi Laftit, un an avant, insistant sur le calendrier d’adoption de la plateforme juridique électorale, c’est qu’il ne fait pas confiance aux partis qui siègent au gouvernement pour poser les règles sans imposer leur domination. M. Laftit, qu’on dit entretenir des relations plutôt fraîches avec M. Akhannouch, s’est lancé dans cette mission dès le lendemain des festivités de la fête du Trône. Il a commencé par l’administration territoriale et les sécuritaires pour encadrer le processus et assainir le terrain, puis il a enchaîné avec les partis politiques. Première réunion, premier couac, Aziz Akhannouch n’a pas participé à cette réunion, y délégant son spécialiste électoral et véritable cheville ouvrière du RNI, Rachid Talbi Alami. Pour le PAM, la présence de Fatima Zahra Mansouri et non de Mehdi Bensaïd éclaircit un peu les choses au sein de la direction de ce parti en montrant qui est le chef, en l’occurrence la cheffe.

Mais au-delà de ces questions de forme, ce qui importe est que les grincements entre partis de la majorité commenceront dès septembre et non en janvier comme prévu initialement. En effet, les intérêts du RNI, du PAM et de l’Istiqlal peuvent ne pas converger dans les propositions de règles électorales. Et si tel est le cas, il y aura confrontation, et s’il y a confrontation, cela se prolongera dans la préparation de la loi de finances 2026 et aussi dans les autres lois en préparation (code du travail, de la famille, de la presse, …). Cela se fera sentir aussi dans la préparation de la compétition électorale et de la campagne de l’été prochain ; le RNI a d’ores et déjà démarré sa campagne avec son « parcours des réalisations » déroulé à Dakhla, Laâyoune etc… le PAM aussi avec sa « Génération 2030 » et ses meetings qui se multiplient ; quant à l’Istiqlal, qui semble vouloir jouer le jeu et attendre 2026 pour lancer la campagne 2026, il devra bien y aller aussi. Il n’y aura donc plus de cohésion gouvernementale, et encore moins de solidarité entre les trois partis.

On peut donc s’attendre à des discussions musclées, à des échanges aigre-doux entre les aigrefins de tous les bords, à des marchandages entre alliés de la majorité et à des rapprochements entre partis de la majorité et de l’opposition ; on pense à une convergence de vues entre PPS et Istiqlal par exemple, comme peut le laisser penser la proximité physique de leurs secrétaires généraux lors de cette réunion…

La grande question qui devra se poser est la suivante : quid de l’argent dans cette opération électorale ? Tous les partis usent et abusent des largesses extra-électorales et le RNI est accusé par tous d’en faire plus, bien plus, beaucoup plus que les autres, disposant d’une manne quasi illimitée. Si la première réunion de M. Laftit avec l’administration territoriale et les sécuritaires a abordé la question de l’intégrité et de la transparence (autrement dit, de la corruption électorale) lors du scrutin, l’encadrement strict de l’argent devra être la préoccupation première.

En arriver à se réjouir que la préparation et l’organisation des élections soient retirées au gouvernement est la plus grande marque de l’échec politique du RNI et d’Aziz Akhannouch. La délicatesse et la nuance ne sont pas la marque de fabrique première du parti du chef du gouvernement ; de l’arrogance, de la suffisance, de l’outrance, ainsi est fait ce parti depuis qu’il a conquis la tête du gouvernement. Déni des mauvais chiffres et matraquage de réalisations fictives, ainsi est le credo de ce parti depuis 2021.

C’est la raison pour laquelle la mission d’organisation électorale confiée à l’Intérieur en coordination avec les partis consistera à se lancer à l’assaut de la forteresse RNI… En effet, ce parti a noyauté un grand nombre d’institutions publiques, de gouvernance ou d’autre chose. Les amis et les obligés sont un peu partout, du gouvernement lourdement marqué Akwa (la holding familiale du chef du gouvernement) à la Comader, en passant par la CGEM ou le Conseil de la concurrence, et d’autres organismes.

Dans les années 2010, tout le monde craignait un Etat PJD, nous avons aujourd’hui les prémisses d’un Etat RNI. De la normalisation de la technostructure et du cadrage financier de la campagne électorale dépendra la transparence d’un scrutin dont le Maroc a immensément besoin pour affronter les difficiles et ô combien incertaines années à venir.

Aziz Boucetta



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