(Billet 1245) - Le foot, c'est fou... le reste, on s'en foot ?

(Billet 1245) - Le foot, c'est fou... le reste, on s'en foot ?

Une somptueuse entame de la CAN marocaine, mais cela ne nous étonne même plus… Les performances se multiplient, la confiance s’amplifie et les trophées s’accumulent… ce ne sont plus seulement des résultats, mais une véritable nouvelle réalité qui se crée où le succès devient la norme et les revers exceptionnels. De coupe en victoire, de championnat du monde en trophée, le football marocain s’impose de plus en plus sur la scène mondiale. L’écosystème mis en place par le Maroc fonctionne, triomphe,… et interroge sur le reste. Quand on veut, vraiment, on peut… et donc pour le reste, il sera désormais difficile de faire accroire qu’on ne peut pas…

On pensait que le foot était une question d’argent, alors on avait mis de l’argent, mais cela n’avait pas fonctionné… alors on a mis encore plus d’argent, et cela ne marchait pas plus. On a pensé que c’était affaire de techniciens, alors on a importé des coachs étrangers, et cela ne prenait pas non plus, hormis quelques succès épars et irréguliers. Alors on a pensé que c’était affaire d’autorité, et on a placé des hommes forts à la tête du foot marocain, un général puis un directeur général, mais rien, walou, ça ne prenait pas, ça ne tenait pas… jusqu’à l’arrivée d’un homme qui a su imprimer sa marque et marquer des points.

De l’argent, il en a eu. Il est vrai que Fouzi Lekjaâ est aussi directeur et même ministre du budget ; ça aide… mais il a aussi un incontestable savoir-faire et surtout, il a bénéficié de l’autorité de l’Etat, ce qui est un facteur déterminant pour la réussite de tout grand projet. Une décennie plus tard, ou un peu moins, les résultats commencent à pleuvoir et les trophées à s’empiler. Et bien que M. Lekjaâ ne soit pas un grand démocrate et que la Fédération de foot ne soit pas gérée dans une transparence exemplaire, rares sont ceux qui contestent la situation du football marocain, même si en ce bas monde tout est perfectible.

Les facteurs  de succès se retrouvent également dans la diplomatie marocaine, avec ses victoires qui s’enchaînent, malgré les difficultés inhérentes à toute nation qui veut émerger du lot et figurer parmi les Etats qui comptent… on les rencontre également, ces facteurs, dans la sécurité nationale, qui a changé de fond en comble en 10 ans et qui se caractérise aujourd’hui par son efficacité universellement reconnue et par sa proximité avec les populations.

La question qui demeure et qui taraude est de savoir pourquoi le Maroc réussit dans le football, dans la diplomatie, dans la sécurité, dans l’industrie phosphatière et dérivés, et pas ailleurs. Certains secteurs primordiaux ont bénéficié également des mêmes mannes financières, d’encadrements juridiques étroits et précis, et pourtant persistent à multiplier les échecs et les revers.

Les grands projets, les grands chantiers et les grands enjeux doivent être placés sous l’autorité, durable, des personnages adéquats. Fouzi Lekjaâ depuis 12 ans, Nasser Bourita depuis 10 ans, Abdellatif Hammouchi depuis 11 ans à la tête de la DGSN (et 20 ans en directeur de la DGST), Mostafa Terrab depuis 20 ans. Une vision, une perspective, des moyens, des hommes, voilà au Maroc la recette pour réussir dans des domaines spécifiques.

Pourquoi alors cela ne fonctionne-t-il pas ailleurs ? Prenons l’éducation nationale, par exemple… Le secteur a bénéficié d’une grosse, d’une très grosse enveloppe budgétaire en 2009, appelée Plan d’urgence Najah, doté de 45 milliards de DH, et qui s’est soldé, comme chacun le sait, par un échec aussi gros que l’enveloppe y consacrée. Contrairement au sport, au foot, à la diplomatie et aux autres secteurs à succès, la vision en matière d’éducation est brouillée, la perspective est poussive et le département a eu pas moins de 7 titulaires depuis 2007 (sans compter les secrétaires d’Etat et ministres délégués).

Et puis il y a eu Chakib Benmoussa, concepteur du Nouveau modèle de développement et initiateur plus tard des écoles pionnières. Personne n’a compris son éviction en 2024, alors que ce dernier chantier était en plein avancement et promettait bien des succès, et son remplacement par un illustre inconnu totalement étranger au milieu de l’éducation nationale. Qui patauge depuis…

Et il en va de même pour la santé publique, placée sous l’autorité d’un professionnel, Khalid Aït Taleb. L’homme, critiqué à bien des égards et pour bien des sujets, a quand même été le pionnier du grand chantier de la protection universelle, et ses résultats dans la gestion Covid sont plus qu’honorables. Et alors que ce professeur de médecine ferraillait pour faire passer des réformes, voilà qu’en 2024 toujours, on le remplace par un novice en matière de gestion publique, un novice propulsé à la tête d’un des départements les plus difficiles au gouvernement. La santé publique, dans sa globalité, a vu ses budgets tripler entre 2010 et 2024, avec des milliards de DH qui pleuvent sans arrêt. Mais avec les résultats qu’on connaît !

Au vu de ces secteurs, ceux qui réussissent et ceux qui pataugent, vient peut-être cette idée qu’on sait faire ici et qu’on ne sait pas faire là…. ou, peut-être, qu’on veut faire ici mais qu’on néglige là… Est-ce logique ? Non. Est-ce admissible ? Difficilement. Est-ce tenable sur la durée ? Absolument pas. Mais… mais bon, c’est la CAN, l’heure est à la fête. Festoyons donc, fêtons nos capacités, nos réalisations et nos champions, mais n’oublions pas qu’au Maroc, ce pays des miracles, quand on veut, on peut ! Point.

Aziz Boucetta



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