(Billet 1192) – Achraf Hakimi face à la justice de France, indépendante et intègre

Alors que rien ne le laissait attendre, et en plein milieu de l’été, la justice française a décidé de juger Achraf Hakimi pour viol. Le parquet de Nanterre a en effet requis en fin de semaine dernière le renvoi du joueur du PSG devant la cour criminelle des Hauts-de-Seine, pour des faits de viol supposé qui aurait été commis en février 2023. Mais pas de panique pour notre champion national, il sera jugé par une justice indépendante et intègre.
C’est le parquet qui a décidé le renvoi et en France, le parquet est considéré comme autorité judiciaire, mais il reste placé sous la supervision hiérarchique du Garde des Sceaux, ministre de la Justice. La question est donc simplement de savoir dans quelle mesure le ministre actuel, Gérald Darmanin, est informé de cette décision de renvoi ou non. On peut supposer que oui, au vu de la qualité d’Achraf Hakimi, joueur phare du PSG et capitaine de la sélection nationale marocaine, et si on suppose que oui, on peut même s’étonner de cette attitude venant d’un homme qui se présente comme ami du Maroc. Il ne s’agit pas d’innocenter un coupable, mais de simplement être juste. Las… Même la chaîne étatique France24 a sponsorisé un statut Facebook avec un titre explicite : « Procès pour viol requis contre Hakimi ». Aucune nuance, rien.
S’il y a unanimité ou presque de l’opinion publique marocaine autour de cette affaire Hakimi et sur une possible manipulation de la justice pour jeter le discrédit le footballeur, c’est que le timing de cette décision du parquet est assez étrange ; en effet, l’attribution du Ballon d’or pour lequel le Marocain est nominé intervient dans quelques semaines, et on a vite pensé que toute cette affaire est « montée » pour favoriser le coéquipier d’Achraf Hakimi, en l’occurrence Ousmane Dembélé. Les Marocains ont raison de s’interroger : que s’est-il passé depuis février 2023, mois de survenue de cette affaire, pour convaincre le parquet de renvoyer le joueur en Chambre criminelle, où il risque 15 ans de prison? Pas grand-chose, et selon l’Equipe, les SMS échangés par la supposée victime vont dans le sens d’une tentative d’extorsion menée contre le footballeur marocain. C’est ce qui fait dire à sa défense que les réquisitions du parquet sont « incompréhensibles et insensées au regard des éléments du dossier ».
On se rappelle que pour une autre affaire, celle de Saâd Lemjarred, l’opinion publique marocaine était divisée entre les fans et les inconditionnels du chanteur accusé de viol et les autres, qui soutiennent que justice doit passer. Dans cette affaire, le viol était acté et le public marocain, malgré les admirateurs irréductibles et intraitables, acceptait le verdict des juges. Pour M. Hakimi, les choses en vont différemment, rien n’est établi, en dehors d’une attitude douteuse de celle qui se présente comme victime. Mais rassurons-nous, la justice française est indépendante et ne subit ni pression ni passion, dans ses affaires avec le Maroc, avec le monde ou avec la France…
1/ Affaire Eric Laurent et Catherine Graciet. Deux maîtres-chanteurs avérés, enregistrés, confondus, qui ont avoué leur entreprise de chantage contre le roi du Maroc, et ils ont été condamnés à une peine légère. Huit ans après les faits, malgré toutes les preuves. L’affaire est en appel. La justice indépendante et intègre se prononcera en octobre 2025.
2/ Affaire de l’Etat marocain contre des organes de presse français. En 2021, plusieurs médias français et des ONG avaient accusé le Maroc d’utiliser le logiciel Pegasus pour espionner à peu près la terre entière, dont Emmanuel Macron, des dignitaires européens… Bien évidemment, ils n’apportent aucune autre preuve que leur habituelle condescendance offusquée. Le Maroc este en justice et il est débouté en correctionnelle, en appel et en cassation. La raison ? Elle est puisée dans une loi de… 1881, qui stipule qu’un Etat ne peut être assimilé à un particulier et ne peut donc engager une action en diffamation contre des organes de presse. La justice indépendante et intègre s’est prononcée...
3/ Affaire Omar Raddad. Lui, il n’a rien fait d’autre que d’être Marocain, jardinier et peu alphabétisé. Tout, mais alors tout montre et établit son innocence, mais il reste condamné, non réhabilité, malgré les doutes, l’ADN et les assuts des avocats de M. Raddad. La justice indépendante et intègre « l’a tuer ».
… sans compter les nombreux « petits juges » qui ont œuvré et essayé de se faire un nom en « se payant un Marocain », les uns ayant plongé dans l’affaire Benbarka, d’autres dans la curieuse convocation d’Abdellatif Hammouchi en 2014…
4/ Affaire François Fillon. Très complexe, cette affaire a fait dire à son principal protagoniste qu’il s’agissait d’un « coup d’Etat institutionnel », où le Parquet national financier, présenté comme bras armé du pouvoir politique, aurait été instrumentalisé pour empêcher l’ancien premier ministre de conduire, et peut-être gagner, la présidentielle de 2017. Il a été très opportunément été mis en examen un mois avant l’élection. Depuis, la justice indépendante et intègre louvoie, taclée par le Conseil constitutionnel et malmenée par les avocats scandalisés de François Fillon.
5/ Affaire Marine Le Pen. Cela rappelle quelque peu le dossier Fillon… Alors qu’un tiers de l’électorat français la réclame, la justice condamne très lourdement Marine Le Pen, prison, inéligibilité, amende… Même le procureur, dans un moment d’inattention et selon des gens du Rassemblement national, aurait reconnu ne rien avoir réellement à lui reprocher. Mais les juges indépendants et intègres ne voient pas Marine Le Pen à l’Elysée, voilà tout.
6/ Affaire Tarik Ramadan. Le théologien suisse avait été poursuivi pour plusieurs accusations de viol, fondées sur des SMS échangés entre lui et ses supposées victimes, 10 années plus tôt. Simple question : comment, qui a intérêt et qui peut ressortir des SMS vieux d’une décade ? A la fin, M. Ramadan avait été lavé de toute accusation de viol, mais l’adultère, bien que consenti, a définitivement entaché la réputation d’homme prude de Tarik Ramadan. Le justice indépendante et intègre est passée, Ramadan a (moralement) trépassé.
… Des juges qui ont poursuivi, traqué, malmené, humilié un ancien président de la République, qui les avait certes qualifiés un jour d’égarement de « petits pois », et l’ont condamné uniquement pour des questions d’argent. Fort bien, mais alors pourquoi ces mêmes juges n’osent même pas penser à s’en prendre à des génocidaires comme Netanyahou ou encore Gallant, Ben Gvir ou encore Smotrich, pour ne citer que les actuels ? La justice française a dû oublier un instant qu’elle est indépendante et intègre.
7/ Chefs d’Etat et dignitaires étrangers. La justice française, en toute éthique et indépendance, multiplie les procès pour biens mal acquis ou pour crimes contre l’humanité… contre des Africains. Mais rien contre Tony Blair et George Bush, qui ont pourtant reconnu leurs mensonges en 2003 avant d’attaquer l’Irak, et encore moins contre les tueurs israéliens ou d’autres aussi, qui entretiennent de bonnes relations diplomatiques avec leur pays ; Netanyahou, réclamé par la Cour pénale internationale, a même survolé le territoire français, mais les juges indépendants et intègres devaient penser à autre chose... La justice française ne serait-elle indépendante et intègre qu’à géométrie variable, qu’à géographie spécifique ? Fonctionne-t-elle sur une logique juridique ou selon une démarche idéologique ?
On pourrait remplir de pleines pages avec des cas comme ceux-ci, mais les choses sont suffisamment claires.
Bref… Revenons à La Fontaine : « Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». Concrètement, selon des chercheurs français, dans « la réponse pénale » (Presses universitaires de Rennes, 2013), « les moins favorisés sont plus lourdement condamnés », et cela remonte à Jean Valjean dans les Misérables, et a été confirmé aussi plus tard lors de l'affaire Dreyfus.
Pour Achraf Hakimi, les SMS de la « victime » sont clairs et montrent une volonté d’extorsion, et son comportement est douteux. On ne peut donc qu’être optimistes et rassurés, ou pas, pour notre champion national, face aux garanties présentées par la justice française indépendante et intègre… Mais il reste notre champion national, souriant, empathique et intègre… et son dossier pour ce viol est aussi dépourvu de preuves que les juges français indépendants et intègres de remords.
Aziz Boucetta