(Billet 1212) - Et le 7ème jour, la GenZ ne se reposa pas...

(Billet 1212) - Et le 7ème jour, la GenZ ne se reposa pas...

Il aura fallu sept jours, sept petites journées pour montrer la fragilité des choses et établir l’insoutenable légèreté du gouvernement… et il fallait s’y attendre. les jeunes ont précipité, bousculé les évènements, assénant abruptement dans leur langage et à leur manière ce que la société civile dénonce depuis longtemps. En attendant que le gouvernement veuille bien dire quelque chose d’intelligible et que les sociologues puissent avoir le recul pour analyser le phénomène GenZ212 et expliquer cette rupture intergénérationnelle qui se crée sous nos yeux et que les politiques ne comprennent pas, quelques remarques s’imposent…

1/ Deux catégories de GenZ, les « gentils » et les « méchants ». En une semaine, les contours du mouvement se précisent. Les « gentils » sont ceux qui manifestent en brandissant leurs revendications sur la santé, l’éducation, la moralisation… l’espoir ! Au fil de la semaine, ils n’ont plus « demandé », mais « exigé », et ce qu’ils exigent aujourd’hui est rien moins que la chute du gouvernement. Ils se radicalisent, donc, et s’organisent, évitant la confrontation, restant dans la contestation, toujours « silmia ». Ils ne s’arrêteront pas.

Les « méchants » n’ont plus d’espoir, ils crient leur désespoir, mais ils ont occasionné dégâts humains (trois des leurs sont morts en attaquant une caserne de gendarmerie) et matériels considérables, avec des centaines de blessés parmi les forces de l’ordre et autant de véhicules incendiés. La réaction (légitimement) musclée des autorités publiques et l’implication (tardive) des familles ont calmé les ardeurs de ces jeunes.

2/ La société civile doute et s’interroge... Elle est inquiète, très préoccupée par la tournure des événements, et elle angoisse de constater que les manifestations ne cessent pas, et qu’elles s’amplifient de jour en jour. Oui, le climat est anxiogène, ainsi que l’a montré ce curieux appel d’évacuation qui a circulé jeudi à Casablanca et à Tanger, appelant les cadres et employés à quitter plus tôt leurs bureaux et d’aller chercher plus tôt leurs enfants à l’école. L’appel a été très suivi, le cafouillage était sensible et le soir, les wilayas concernées ont démenti.

La population se trouve coincée entre des jeunes qui ne veulent pas arrêter leur mouvement et le gouvernement qui ne sait pas plus leur répondre que simplement leur parler. L’ambiance est morose car l’attentisme consume. Les gens tanguent entre « un mouvement de jeunes aux revendications légitimes et pacifiques » et « des groupes de casseurs qui ne veulent rien d’autre que détruire ». Le terme NEETs est évoqué pour essentialiser, abusivement, cette dernière catégorie, ajoutant une dose à la méfiance générale.

3/ Le pouvoir politique, dans une autre dimension. Il est décontenancé, dépassé, stressé, et il ne sait que faire. Le casting actuel au sein de la majorité ne brille pas par son audace, et son chef semble perdu au milieu de ce brouhaha populaire où sa personne est copieusement vilipendée. Il est celui par lequel la contestation est née et son sort, à défaut de lui-même, est à plaindre.

On ne peut que reconnaître à ce gouvernement son sens du non-sens. Hélé, houspillé, chahuté par les jeunes dans la rue, il a esquivé les institutions et s’est réuni, en alliance de la majorité, un machin que personne ne connaît et qui ne signifie rien sur le plan institutionnel. Et depuis, les membres du gouvernement se vêtissent de blanc (chemises ou jellabas), et ne s’affichent plus qu’à trois, c’est-à-dire les trois partis de la majorité. Les chefs de cette majorité refusent éhontément de s’exprimer directement dans les médias, à l’exception qui confirme la règle de Mehdi Bensaïd.

Au final, gouvernement et parlement se calfeutrent, ne disent rien ou bien n’importe quoi et, ce faisant, laissent les jeunes en confrontation directe avec les forces de l’ordre, créant ainsi un environnement très volatile. Et malsain, où des jeunes citoyens s’en prennent à des jeunes policiers/gendarmes alors que l’origine et la solution des maux de cette société sont au niveau gouvernemental. C’est tout simplement indécent !

4/ L’ingérence de l’étranger, réelle. C’est la nouvelle tendance mondiale, le monde numérique permettant à peu près tout de nos jours. Russes, Chinois, Américains, Européens, tout le monde intervient chez tout le monde, et le Sud n’est pas épargné. Au Maroc, depuis plusieurs mois, les attaques succèdent aux assauts, contre le palais, contre les sécuritaires, contre certaines personnalités connues, contre des organismes d’Etat… Les youtubeurs d’Europe et d’Amérique du Nord, mais du Maroc aussi, jettent de l’huile sur le feu, montrent des images d’affrontements de rue, en publient d’autres sorties de leur contexte… envenimant les choses. Et puis, comment expliquer ce curieux et mystérieux appel du jeudi 2 à Casablanca et Tanger à évacuer les lieux de travail et les écoles ?

Ce serait faire insulte à nos jeunes de prétendre qu’ils sont manipulés, mais ils sont très certainement infiltrés à leur insu. Il n’est qu’à voir certains statuts sur Discord, leur lieu de rassemblement numérique, pour s’en assurer.

5/ Et si on réfléchissait un peu… Ce que crient et contestent les jeunes GenZ212 depuis une semaine, le Maroc entier le dit depuis des années. Santé, éducation, corruption, népotisme et favoritisme, gouvernance… Le Maroc le dit depuis des années et le roi aussi : il a exhorté les politiques à œuvrer pour le pays plus que pour eux-mêmes, il a interpelé le gouvernement sur les jeunes, il a dénoncé le Maroc a deux vitesses, il a alerté sur les écarts territoriaux, il a chargé l’Intérieur de la question des subventions aux viandes, il a tancé les politiques pour se cacher derrière le palais quand cela va mal…

Depuis 2021, le Maroc vit sous une majorité aussi forte numériquement et légitime électoralement que faible et dépassée politiquement. Une alliance qui ne s’appuie sur aucune logique autre que le numérique, une addition d’élus que rien ne lie, et un chef du gouvernement non politique, ne sachant ni écouter le peuple ni prendre son pouls et encore moins lui parler ; quant à le rassurer... Quatre années de silence institutionnel avec une société qui bout ; quatre années où la fuite des cerveaux s’est accélérée et où ceux qui sont restés sont ceux qui n’ont pas réussi à partir !

Le Maroc avance… il avance vite mais mal. La société veut évoluer plus et mieux ; les jeunes piaffent d’impatience ; le roi a une vision ambitieuse du pays et audacieuse quant à sa place dans le monde. Mais le gouvernement bloque. Composé de technocrates de talent, de politiques de renom, de régaliens disciplinés, il aurait eu besoin d’un chef de gouvernement qui dirige et orchestre, parle et s’engage, assume et corrige. Un seul être vous manque…

6/ Et maintenant, qu’allons-nous faire ? Une intervention royale, seule à même de rassurer les GenZ212 et les autres, est possible, en vertu de l’article 42 de la constitution. Avant cela, les institutions ont cependant des leviers à actionner, mais leurs acteurs attendent une orientation quelconque, se décrédibilisant encore plus. Le peuple est dans la rue, les jeunes fulminent, les moins jeunes ruminent, les états-majors politiques remuent, les forces de l’ordre sont sous pression, la CAN approche et le monde regarde, qu’attendent donc les parlementaires pour répondre aux électeurs dont ils sont l’émanation ? Ils ont là une occasion en or pour redorer le blason de la politique, pour interpeler le gouvernement, voire pour voter une motion de censure.

Le gouvernement Akhannouch, avec ses Mansouri, Bensaïd, Baraka, chefs de partis, ne peut durer ainsi. Il se maintient grâce à ses parlementaires, il se protège derrière les forces de l’ordre, il se réfugie derrière le palais. Le 29 juillet 2017, le roi disait ceci : « Quand le bilan se révèle positif, les partis, la classe politique et les responsables s’empressent d’occuper le devant de la scène pour engranger les bénéfices politiques et médiatiques des acquis réalisés. Mais, quand le bilan est décevant, on se retranche derrière le Palais Royal et on lui en impute la responsabilité. Voilà pourquoi les citoyens se plaignent, auprès du Roi, des administrations et des responsables qui font preuve de procrastination dans le règlement de leurs doléances et le traitement de leurs dossiers. Voilà pourquoi ils sollicitent Son intervention pour mener leurs affaires à bonne fin ».

Ce constat est terriblement d’actualité. M. Akhannouch, le Maroc attend que vous vous montriez à la hauteur des défis et des dangers !

Aziz Boucetta 

 

 

 



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