(Billet 108) – !! حرام، حشومة، مامزيانش *

(Billet 108) –  !! حرام، حشومة، مامزيانش *

Le Maroc est, avec le Japon, le plus vieux pays du monde dans ses frontières actuelles et avec son système politique. Le Maroc, comme le Japon, se fonde sur une société séculaire bien enracinée, ramifiée, codifiée… Mais pour faire honneur à la raison, la comparaison s’arrête là. Le Maroc a en effet développé, au fils des siècles, des concepts dont nous avons aujourd’hui hérités et qui, pour faire simple, brident toute velléité d’émancipation individuelle, ou du moins la compliquent.

Malgré la foi, la loi, le droit, le 21ème siècle, internet et la mondialisation, « hram, hchouma, ma mezianch » restent les maîtres-mots de la société marocaine. Trois concepts qui se confondent souvent, qui cadrent la réflexion et encadrent la population… trois concepts qui ne laissent absolument aucune possibilité de libre-arbitre, qui, excipés, sonnent comme des arguments massue.  Sauf en cas de profonde remise en cause personnelle, voire révolution individuelle en huis-clos.

« Hram » renvoie à l’interdit religieux. Or, comme chacun sait, en matière religieuse, seul le Coran est indiscutable et, dans une moindre mesure, les faits et effets du Prophète. Mais avec le temps, « hram » est devenu l’épouvantail suprême qui dicte le comportement et édicte la pensée, avec la menace terrifiante de la géhenne éternelle pour les rebelles ou les rétifs.

« Hchouma » se rapporte au social. Le Marocain vit dans les yeux de l’Autre et ne fleurit que dans le regard de cet Autre… le concept « hchouma » repose sur des siècles d’us et de coutumes accumulées, puis agrégées. « Hchouma » n’est pas un fait social en lui-même, mais agrège plusieurs pratiques ou comportements (sexualité, valeurs, éducation…). Quand on assène ce mot à un enfant, il se fige, prend peur, s’exécute… puis reproduit. A l’infini.

« Ma mezianch » englobe les habitudes et la tradition. Le concept est une sorte de syncrétisme entre les deux premiers dans le sens où il puise dans le religieux et le social. Il découle d’une série de croyances et déroule un ensemble de superstitions, piochant elles-mêmes dans les différents corpus culturels, amazigh, hassani, hébraïque, arabe, musulman.

En 1870, le Japon est à l’ère Meiji et le Maroc à l’heure de Mohammed IV. Les deux monarques avaient envoyé chacun une mission scientifique à Paris pour apprendre les nouveaux métiers, essentiellement ceux de la guerre. Après quelques années, les « étudiants » revinrent en leurs contrées… Trente ans après, le Japon faisait plier la Russie, et le Maroc ployait à Algésiras. Un siècle après, le Japon fabrique à peu près tout, et le Maroc importe à peu près tout.

Est-il besoin de commenter ? C’est, encore une fois, l’éducation qui est interpellée, pour que la conscience soit libre et que la liberté repose sur la conscience et non sur la croyance.

Aziz Boucetta

* Hram, hchouma, ma mezianch.

 



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