(Billet 371) – Où en est l’économie ?

Le Maroc tient… avec quelques difficultés, mais il tient globalement. C’est ce qui ressort des lectures ici et là sur les conséquences de la crise sanitaire sur l’économie nationale. Or, nous entendons, toujours ici et là, des avertissements murmurés, des cris d’angoisse étouffés, des prévisions apocalyptiques. Qui croire ?
Le gouvernement s’active au parlement pour faire passer une loi de finances rectificative qui a tardé, et qui se chevauchera avec celle à venir, celle de 2021, pour laquelle, quoi qu’en disent les spécialistes, reste une grande inconnue, puisque ses paramètres sont inconnus. Le Haut-commissariat au Plan vient de publier une note d’information sur l’économie nationale en 2020 et les perspectives en 2021.
Tout ce monde-là joue les Cassandre, même sans le vouloir, mais institutions officielles, banques, autorités et opinion publiques montrent leur appréhension des jours, des semaines, des mois à venir. Ainsi, tant au niveau de la demande qu’à celui de l’offre, l’économie nationale traîne les pieds et tire la langue.
Globalement, l’économie marocaine ne se fonde pas sur une demande intérieure importante, et se trouve donc soumise aux aléas de la demande extérieure, provenant d’une zone, l’Union européenne, fortement impactée par la Covid-19 et se préparant à entrer en zone de forte turbulence où les grands paradigmes « mondialistes » passés seront les uns à la suite des autres remis en cause. L’Europe se redécouvrira, muera et se repliera sur elle-même.
Chez nous, au Maroc, la crise est aussi muette, pour l’instant, que nos dirigeants sont avares de données chiffrées approchant de la réalité. Ils n’en parlent pas, ou peu… laissant filtrer une certaine inquiétude, voire une inquiétude certaine. Ne disposent-ils pas des données exactes, ce qui serait grave, ou ne veulent-ils tout simplement pas les publier, ce qui serait irresponsable ?
Faut-il rappeler ce qui semble avoir été occulté par l’état d’urgence, le confinement, la sortie du confinement, la phase redémarrage… à savoir une année agricole désastreuse ? Lorsque le HCP évoque un tassement de 4% de la demande intérieure, reflète-t-il réellement la situation telle qu’elle est ? Quand le même Haut-commissariat parle du taux de chômage, longtemps contenu aux alentours de 10%, qui grimpera à près de 15%, cela est-il la vérité vraie, ou simplement une projection de chiffres déjà sous-évalués, et d’une menace sociale mal soupesée ?
On sait d’ores et déjà que le tourisme, avec ses 500.000 employés, est flageolant, et la fermeture des frontières sans perspective de réouverture n’arrange rien. On sait que l’agriculture est plus qu’abîmée, mais on attendra encore les pluies qui, viendront/viendront pas ? Sur quelle base réelle peut-on estimer le taux de croissance à -5%, contre les 3,7% initialement prévus, et le déficit budgétaire prévisionnel à 7,5% du PIB au lieu de 3,5% ? On peut raisonnablement douter de ces valeurs au vu des chiffres d’arrêt d’activités des entreprises, et surtout, par-dessus tout, la crise n’est pas finie… on reconfine ici, on allège peu l’état d’urgence là, on voit des gens s’agglutiner et des clusters s’animer, on a quasiment rompu les relations « affectives » avec les Marocains du monde, ce qui se traduira par une baisse sensible des transferts d’argent…
A côté de cela, le seul élément à même de véritablement redémarrer la machine semble s’estomper peu à peu. La confiance. Quelle relance sans confiance ? Et quelle confiance sans politiques audacieuses, sans classe politique vertueuse, sans rupture nette avec les habitudes passées, sans adhésion massive et téméraire des banques, sans véritable stratégie globale, puis sectorielle ? Quelle confiance quand on voit un des grands chefs du parti du ministre des Finances s’en prendre audit ministre et pourfendre son projet de loi de finances rectificative, de cette manière si agressive ?
Le grand risque est de se retrouver dans la situation d’avant, avec en prime une dépression économique, un traumatisme collectif, une grogne sociale et une grosse crise de confiance. Le proche avenir nous le dira. Le Maroc entame la saison des discours royaux, thématiques, méthodiques. C’est là que l’espoir réside. Le seul espoir. L’ultime.
Aziz Boucetta