(Billet 387) – L’hôpital de campagne, un camp et des pagnes…

(Billet 387) – L’hôpital de campagne, un camp et des pagnes…

Souvenons-nous… en mars, la Chine avait construit un hôpital de campagne en un temps record de 10 jours. Si les Chinois l’ont fait, pourquoi ne le pourrions-nous pas, avaient estimé les responsables marocains ? Aussitôt pensé, aussitôt fait, et voilà que l’hôpital de la foire de Casablanca a été monté en une quinzaine de jours aussi, et d’autres ont suivi.

Des centaines de lits équipés de tous les appareils imaginés par les hommes, des dizaines de médecins et encore plus d’infirmiers, formés rapides et normés Covid. Puis d’autres hôpitaux de campagne, militaires ou presque, ont fleuri sur l’ensemble du territoire. Tout était bon, on vous dit, et le Maroc était prêt à en découdre avec le virus. Las…

Ce dernier a semble-t-il le souffle plus long que les responsables marocains, voire que les Marocains tout court. Sitôt après le déconfinement, intervenu courant juin, les gens ont en effet baissé la garde pendant que les responsables se pavanaient, la tête haute… avant de commencer le grand n’importe quoi sur les plans décisionnel et surtout communicationnel.

Août 2020. L’aïd al-adha a eu lieu, malgré ce funeste 26 juillet qui a dopé un peu et indirectement la mortalité Covid. Puis les plages se sont remplies, les cafés et restaurants aussi, facilitant d’autant la mobilité du virus. Les hôpitaux de campagne se sont également remplis, et les autorités sanitaires marocaines ont alors retrouvé leurs bons vieux réflexes, faits de négligences, de dilettantisme et d’approximations.

Depuis quelques semaines, les reportages internes foisonnent sur internet, réalisés par des malades admis dans ces centres, essentiellement celui de Sidi Yahia, hda Rabat. On en trouve quelques-uns dans les médias privés (surtout pas officiels), mais surtout dans les réseaux sociaux, devenus soucieux à la lecture de ces témoignages qu’on ne peut qualifier autrement qu’effroyables, peut-être même effrayants : des diagnostics rapides au téléphone, une ambulance qui vient chercher la personne contaminée, peu de visites de médecins dans le centre, généralement peu ou pas climatisés, des patients peu ou mal vêtus pour la maladie… et surtout, on fournit de l’eau de Javel aux malades, leur enjoignant d’assurer eux-mêmes l’hygiène et la propreté des sanitaires !

Comment peut-on décemment demander à une personne malade, dont l’un des symptômes est la difficulté respiratoire, et un autre une fatigue générale, de nettoyer les toilettes ??!! Pourquoi ne pas les laisser recevoir les visites (sanitairement sécurisées) de leurs proches ? Pourquoi ne pas avoir prévu des assistances psychologiques pour ces patients ? Comment peut-on attendre aujourd’hui et demain des gens qu’ils acceptent le dépistage, si c’est pour se retrouver dans ces camps sans âme ?

Et toujours ce terrible manque de communication ! Qui doit se confiner chez lui ? Qui doit partir dans ces hôpitaux de campagne, qui ressemblent de plus en plus à des camps de regroupement ? Pourquoi ce décalage entre les images des médias officiels et les récits des pensionnaires ? Qui est responsable de ce gâchis ?...

Gâchis ? Oui, incontestablement et bruyamment oui ! Car le Maroc a déployé d’immenses efforts en consentant l’effort financier nécessaire, et l’Etat a pris les décisions adéquates, en dépit de l’état cataclysmique de son système de santé. Gâchis car on a construit les structures et apporté le matos, sans lésiner sur les moyens, mais on a gardé la mentalité d’antan. Gâchis car on a réussi le plus difficile et on a négligé le plus facile, l’empathie envers des gens stressés, coupés de leurs bases, séparés de leurs familles, angoissés par la probabilité de la mort, gênés dans leurs respirations.

Le ministre Khalid Aït Taleb, médecin, enseignant, ancien patron de CHU, reste toujours aussi intraitable, injoignable, indéchiffrable… intouchable ? Il devrait réagir car la lutte contre la maladie ne lui revient pas à lui seulement, mais à l’ensemble de la population, qui mériterait plus d’égards. Nous sommes en « guerre » contre un ennemi invisible, et un Etat qui se respecte se doit de prendre soin de ses blessés. Un Etat qui se respecte… M. Aït Taleb, et accessoirement M. Laftit, laissez-nous continuer de croire en notre pays et en la capacité, et la volonté, de notre Etat à nous protéger…

Aziz Boucetta



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