(Billet 389) – Un(e) ministre de la Covid-19… pour rompre avec l’absomutisme ambiant

Aujourd’hui, il n’y aura pas de communication télévisée en direct sur la situation épidémique, et demain non plus, et les jours suivants… Elle sera remplacée par un communiqué écrit adressé aux rédactions, avec des interventions de responsables de temps en temps. Pourquoi pas ? Mais surtout pourquoi ?
Ils sont 24 ministres, dont un chef du gouvernement, à « gérer » ce pays et à laborieusement tenter de faire face à cette épidémie, traquant le satané virus et matraquant l’opinion publique de faits qui sont souvent des effets d’annonce. Au risque d’y perdre leurs âmes, ils y ont tous perdu leur crédibilité car à force de cacher la poussière sous le tapis, ce tapis est devenu une montagne russe qui nous ballotte avec vigueur et nous soulève le cœur. Il est aujourd’hui nécessaire d’avoir un interlocuteur au niveau gouvernemental, qui réponde à toutes les questions et surtout, avant tout, à tous les questionnements.
Plusieurs villes ont été « oubliées » en zone 2 depuis mars, et depuis le 26 juillet, 8 villes sont officiellement « isolées ». Des autorisations de sortie et d’entrée dans ces villes sont en principe nécessaires, mais qui les délivre ? Pourquoi avoir laissé faire les gens pour l’aïd ? Quid de la question existentielle du choix entre distanciel ou présentiel ? Les deux, mon capitaine ! Pourquoi Marrakech est-elle globalement livrée à son sort ? Où en est Tanger ? A quoi sert un lit de réanimation sans réanimateurs ? Où en sont les respirateurs estampillés « 100% marocains » ? Où en est-on des « ouvermetures » des cafés, restaurants, salons de coiffure et de nos beautés ? La maréchaussée a-t-elle ou non le droit de tancer des clients attablés à un restaurant ? Et quand c’est fini, voilà qu’ça recommence…
Qui pour répondre à ces questions ? Les vagues se suivent pendant que le gouvernement divague. M. HE apparaît de temps en temps, de loin en loin pour présenter du matos qu’on ne verra plus dès que les caméras sont éteintes, M. Aït Taleb ne parle que sous la contrainte et la CGEM à la demande, M. Benchaâboune annonce des millions et des milliards qu’il est à mille lieux d’avoir, M. Bourita attend les ordres pour permettre des retours dans le désordre, M. Amzazi prend (ou dit prendre) des décisions sur la rentrée des classes, qui relèvent pourtant de M. Aït Taleb, lequel ne parle, on le sait, que sous la contrainte, M. Laftit dont les hommes sont si actifs sur le terrain paraît de plus en plus passif, et M. Elotmani est inaudible. Bref, on voit bien que le gouvernement patauge, mais on ne comprend pas pourquoi il tient tant à le montrer.
Si elles s’en souviennent, les vagues 1 (début de la pandémie) et 2 (l’aïd) vous diront… et les vagues 3 (retour des vacances) et 4 (rentrée des classes) pourraient être ce raz-de-marée qui aggravera le ras-le-bol ! Le Maroc est aujourd’hui à plus de 65.000 contaminations à la Covid-19, soit près de 2 Marocains sur 1.000. Certain(e)s lâcheront, dans un haussement d’épaules, un dédaigneux « tout ça pour ça ? », mais celles et ceux qui ont perdu un proche, vécu l’angoisse de l’asymptomatique ou la frayeur du symptomatique, résidé dans un des hôpitaux de campagne… savent ce qu’est l’épouvantable danger de cette maladie et le périlleux espoir de compter sur notre système de santé !
Les télés officielles (rude pléonasme) glosent sur ce qu’il y a de beau dans le plus beau pays du monde, mais les chiffres des contaminations montent… elles nous disent que les hôpitaux sont sur le pied de guerre, mais les réseaux montrent les gens y faire le pied-de-grue… on nous rassure sur le fait que la rentrée des classes ne sera pas dangereuse, mais l’actualité internationale assure le contraire. Et le reste est à l’avenant…
Les Marocains ne méritent-ils donc pas d’être dûment informés et un peu moins infantilisés ? Seule communication quotidienne : un type de la Santé vient égrener à 18 heures les chiffres des morts et des nouveaux cas, ponctués de allah yrhamhoum et de inchallah… puis s’en va. Et il ne reviendra plus. Aucune autre explication. Rompez le ban, circulez, il n’y a rien à voir ! Pourquoi ne pas désigner quelqu’un(e) pour agir transversalement, se déplacer vers les villes sinistrées qu’aucun ministre ne visite, répondre aux questions que les responsables évitent, apaiser les questionnements que cette non-gestion suscite, fluidifier les circuits interministériels qui tournent à vide, apaiser les doutes, reposer les esprits, dissiper les angoisses ? En un mot comme en cent : aller au-devant des attentes des gens, malades, confinés, personnels soignants, entrepreneurs…
Nous le valons bien, nous autres citoyen(ne)s qui avons tant pâti et qui sommes bien partis pour endurer encore… Un 25ème ministre qui ne serait pas forcément celui de la 25ème heure, ou un délégué interministériel, une… qui rompra avec l’absomutisme ambiant.
Aziz Boucetta