(Billet 429) – L’Occident... décadent ?

Il ne suffit pas de construire des voitures, des avions et un nombre incalculable de produits électroniques (au demeurant fort utiles) pour se déclarer civilisé et porteur des valeurs universelles, qu’on a porté haut auparavant ! Les dernières années montrent bien des failles et défaillances dans nombre de pays se présentant et se « vendant » volontiers comme les détenteurs de la Morale.
Quel que soit le résultat de la présidentielle américaine, on y relèvera que plus de 65 millions de personnes ont voté pour un homme, Donald Trump, qui ment, triche, agresse, insulte, maudit les uns et congédie les autres à tour de bras… un homme qui fait très peu de cas de la démocratie, au point de refuser de transférer le pouvoir pacifiquement, d’influer sur des décisions de justice, et bien d’autres maux. 65 millions de personnes, américaines, ont choisi de ne pas s’offusquer que le « chef du monde libre » aligne autant de tares et d’altérations morales.
Quand on voit qu’un pays, berceau de l’art et du droit, l’Italie en l’occurrence, désigne un homme au ministère de l’Intérieur, puis assiste en détournant le regard à son refus de laisser accoster dans un de ses ports des bateaux de réfugiés désespérés, on ne peut que s’interroger sur les valeurs prônées par un pays occidental en pointe de la « civilisation ». On ne peut certes « recevoir la misère du monde » (après l’avoir un peu pillé…), mais on ne peut aussi se rendre complice de meurtre collectif par défaut de secours.
En France, terre d’invention des droits de l’Homme, nation qui a donné au monde les Descartes, Rousseau, Montesquieu, Hugo, Zola… il ne fait pas bon vivre quand on est musulman. Nos amis Français, preux défenseurs de la laïcité, la font aujourd’hui rimer avec férocité, déniant à leurs propres concitoyens le droit de vivre dans le respect de leur foi, et oubliant que chaque individu doit vivre la « fraternité » (élément de la devise nationale) par l'exercice d'obligations morales envers « ses » frères, ces « moi » qui deviennent « nous ».
Tony Blair, Boris Johnson, deux dirigeants du très digne Royaume-Uni, pays du fair-play et du flegme, ont basé leurs carrières sur le mensonge, le premier pour la guerre d’Irak et pour lequel il n’a jamais eu à rendre des comptes, et le second dont les mensonges et les manipulations ont produit le Brexit, puis les doutes et les malheurs qui en résulteront.
Le scandale CambridgeAnalytica nous rappelle que tout ce beau monde s’espionne allègrement, que les chefs d’Etat « libres » se tendent mutuellement leurs grandes oreilles, que les géants du net savent tout sur nous et ne s’en privent nullement pour leurs affaires, avant de vendre nos données sur le gigantesque marché de la pub et de la politique. Quant à la France, une simple lecture de son propre « Canard Enchaîné » nous apprend les dizaines de millions d’ « écoutes téléphoniques » sauvages opérées en un an…
Il existe bien d’autres travers à relever ici et là, les deux poids deux mesures des Français à l’égard de la religion, les Européens qui n’ont pas la force de s’imposer face à un vulgaire Orban, les cas Assange, Ghosn ou encore Snowden, les Catalans confrontés à une justice malléable, les guerres américaines…
En un mot, comme en cent, en Occident, terre des libertés et des droits, les libertés et les droits sont à géométrie variable et varient en fonction de la géographie, à l’exception peut-être du Canada. Xi Jinping, Poutine ou encore Erdogan, ne sont certes pas des parangons de vertu, et ils en sont même loin, mais eux au moins, ne se présentent pas comme des chantres des droits humains. Quant à nous, pays dits périphériques, nous avons nos systèmes, largement perfectibles, mais que nous devons perfectionner en cessant d’avoir les yeux rivés sur les « miracles » occidentaux et les oreilles gluées aux oracles de leurs chefs.
Avec ses inventions, ses innovations, ses médias et son immense soft power, ajoutés à une histoire coloniale de domination/soumission, l’Occident s’est imposé comme le bastion de la liberté. Cela a marché durant un demi-siècle, mais cela doit changer maintenant, au rythme des turpitudes que nous voyons désormais chaque jour dans cet Occident de plus en plus décadent.
Aziz Boucetta