(Billet 432) – Le vaccin, enfin !

Toute chose, bonne ou mauvaise, a une fin, et le vaccin pourrait sonner celle de la crise sanitaire (populaire et financière) Covid-19. Les essais vont bon train dans le monde, avec une domination des grandes puissances industrielles. Le Maroc a vu juste, a vu loin, et se prépare à vacciner. A grande échelle. On pourrait valablement le redouter, mais on pourrait également ne pas douter, ou juste un peu…
Le Maroc serait-il en train de retrouver son efficacité printanière anti-Covid ? On l’avait presqu’oubliée, face à la gestion acrobatique de la pandémie sous nos cieux et face aussi aux nombreuses et légitimes inquiétudes sur les chiffres en croissance continue des nouveaux cas et des décès. Entre l’indécision et les mauvaises décisions, les hésitations et le manque de communication, les Marocains sceptiques ne sauraient être blâmés, car on ne peut accabler quelqu’un qui nourrit de justes appréhensions pour sa santé et celle de ses proches.
Mais pour autant, le Maroc semble avoir bien fait les choses, contractant dès le mois d’août avec le laboratoire chinois Sinopharm, qui n’est pas le premier à avoir déclaré la mise au point du vaccin. Pfizer et BioNTech ont aussi annoncé hier la fiabilité à 90% de leur vaccin, ce qui signifie que sur une population donnée vaccinée, 10% ont contracté le virus. Il reste cependant d’autres idées qui infusent, aussi alarmantes que pertinentes, sur les effets secondaires, la situation des plus fragiles et des patients présentant des formes sévères du Covid, sur la durée de l’immunité et ses probabilités de conduire à une immunité collective… sachant que le vaccin contre la grippe serait efficace à des taux variants entre 40 et 60% et que personne n’en fait une maladie !
Ce sont là des questions légitimes certes, mais qui devraient être évacuées par l’aval de l’Organisation mondiale de la Santé (si aval il y a, et dans ce cas, les doutes devraient légitimement s’envoler), l’autorité marocaine qui délivre l’autorisation de mise sur le marché (quoiqu’on pourrait penser qu’elle aura reçu un ordre), et ces chiffres de commandes de vaccins par dizaines de millions par des Etats tels que le Japon, le Canada, l’Allemagne… Ces Etats ont certes commandé le Pfizer et BioNTech, mais doit-on pour autant considérer que le vaccin Sinopharm venant de Chine soit un produit « dial chinoua », par définition de qualité douteuse ?
On pourrait douter, de ce vaccin, le suspecter, l’accabler, l’attaquer… mais est-ce vraiment utile et judicieux ? Les théories complotistes sont souvent tentantes mais rarement convaincantes. Peut-on sérieusement penser qu’un Etat, celui du Maroc en l’occurrence, accepterait d’inoculer une médecine sans préalablement s’assurer de son innocuité ? Peut-on imaginer un seul instant que les professionnels de la première ligne, personnels de santé, de sécurité et de l’enseignement, seraient ainsi sacrifiés, et au nom de quoi ? Peut-on croire que tous ces médecins accepteraient le vaccin s’ils n’étaient absolument sûrs de son efficacité, ou au moins de sa non dangerosité ?
Non, la nouvelle annoncée hier par le palais royal est incontestablement bonne et salutaire, fondée « sur la base de l’avis rendu par le Comité national scientifique ad hoc soulignant que la campagne vaccinale est une réponse réelle pour mettre fin à la phase aiguë de la pandémie », dit le communiqué. Il faut souligner les mots « réelle » pour la sécurité de la vaccination et les perspectives épidémiques, et « aiguë », qui indique que la maladie ne disparaîtra pas pour autant, mais sera mieux et plus maîtrisée.
Il ne sert à rien, voire il est nuisible et inutilement dangereux, de faire naître des doutes sur ce produit… Et il aurait été fort intéressant de voir ce qu’auraient dit les contempteurs du vaccin chinois si le Maroc n’avait rien tenté dans cette direction, ou une autre. Cela étant, une meilleure communication sur Sinopharm serait une idée heureuse pour dissiper les craintes… publier et confier au débat public les statistiques sur les essais de ce laboratoire serait également souhaitable pour rassurer les populations.
Le Maroc dispose de scientifiques de renom, de chercheurs de renommée, d’une industrie pharmaceutique de bonne facture, et d’intellectuels de tous bords que l’Etat gagnerait à mobiliser pour débattre de la question du vaccin. Les politiques ont fait leur travail, place aujourd’hui aux scientifiques et autres intellectuels. Si quelqu'un a quelque raison valable de s'opposer à ce vaccin, qu'il parle maintenant, ou se taise à jamais !
Dans l’attente, le Maroc officiel se mobilise et, s’il est légitime de critiquer son action et même souvent de douter de ses décisions, il est également utile et constructif de ne pas tout rejeter en bloc et de prendre le risque d’entasser les morts en vrac.
Aziz Boucetta