(Billet 433) – Casablanca hier, Casabrancard aujourd’hui…

Quand un ministre de l’Intérieur convoque ses gens de Casablanca pour y tenir réunion avec l’autorité locale et tout son attelage, c’est que l’heure est grave, d’autant que cette réunion s‘est tenue par visioconférence. Et l’heure est effectivement grave dans la capitale économique du royaume, où le virus du Covid-19 fait rage. Les Marocains officiels n’aiment pas le verbe « submerger » mais agissent comme si ce mot s’appliquait à Casablanca. Ce qui semble être le cas.
Les chiffres. En une semaine, du mercredi 4 novembre au mardi 11, la ville a enregistré près de 12.000 nouvelles contaminations Covid, et 139 de nos concitoyens en sont malheureusement décédés. Si le nombre de morts peut être précis, il n’en va pas de même de celui des nouveaux contaminés. Dans sa dernière allocution, le président Macron avait énoncé les chiffres des contaminations quotidiennes, précisant que la réalité se situait certainement au double des 50.000 annoncés.
A Casablanca, sur 7.000 tests environ par jour, on décèle environ 2.000 nouvelles contaminations, avec d’étonnantes similitudes dans les chiffres quotidiens... Cela implique que si on multipliait ces dépistages, on identifierait davantage de cas Covid, ce qui signifie en creux qu’il existe des centaines, des milliers, peut-être des dizaines de milliers de personnes contaminées, qui l’ignorent et qui déambulent allégrement en ville. Un haut responsable gouvernemental avait affirmé récemment lors d’une discussion privée qu’ « il ne sert à rien de multiplier les dépistages, car les malades en détresse respiratoire finissent par arriver aux hôpitaux ». Il est inutile de commenter cette phrase, mais il est permis de très fortement et légitimement angoisser.
Qu’a donc dit le ministre de l’Intérieur sur Casablanca ? Un langage de vérité, même brutal : « Les Casablancais (comme d’autres) ne nous aident pas », ajoutant qu’en dehors d’un vaccin, la seule solution est dans la discipline, une chose qui malheureusement fait défaut dans la ville, et dans le pays. Cela, c’était la semaine dernière, au parlement. Et, pour donner appuyer son propos, Abdelouafi Laftit a donc visioconférencé avec les gouverneurs et autres agents d’autorité, pour les haranguer et les mettre en ordre de bataille.
Et du fait qu’on explique la très forte propagation du virus dans la capitale économique par la mobilité qui la caractérise, et que cette mobilité ne s’est pas réduite, une idée flotte dans l’air, qui serait le confinement de Casablanca pour une durée qu’il resterait à déterminer. Une idée qui serait salvatrice, selon des riverains de l’hôpital Moulay Youssef et de l’hôpital de campagne attenant, les bruits des sirènes d’ambulance est assez effroyable…
On dit que l’Etat est incompétent, mais ce n’est pas « l’Etat » qui monte à huit dans les ascenseurs, ce n’est pas « l’Etat » qui refuse obstinément de porter son masque (quoiqu’il avance masqué sur bien d’autres points, mais cela est une autre histoire…), ce n’est pas « l’Etat » qui vit dans les cafés et sévit par manque de distanciation… L’incivisme et l’irresponsabilité sont une seconde nature, que seul un confinement peut bousculer, en tirant la sonnette d’alarme et en imposant une distanciation physique.
Les contaminés et les morts se multiplient, et aujourd’hui, ce ne sont plus de simples chiffres… On connaît les noms, les malades ou les défunts portent désormais des noms, ont un visage… De plus en plus de familles sont dans l’angoisse, quand ce n’est pas en deuil… Et chaque jour, à 18 heures, on confirme que cela va mal à Casablanca, très mal.
Armons-nous donc de patience et de nos masques. Soyons vigilants et intraitables avec les inciviques. Ce virus est dangereux et, dans l’attente du vaccin, des centaines de personnes perdront la vie, par manque de civisme, par défaut de maturité, par absence de distanciation. Et pendant ce temps, la noria des ambulances, l’épuisement des personnels soignants, la multiplication des contaminations transforment notre ville en cité-brancard, en Casabrancard.
Aziz Boucetta