(Billet 1150) - 'Gouvernement du Mondial' ... oui, mais qui pour le cheffer ?

(Billet 1150) - 'Gouvernement du Mondial' ... oui, mais qui pour le cheffer ?

Comme d’habitude, comme partout, à l’approche des élections et des campagnes électorales enflammées, les appétits s’aiguisent et les armes s’affûtent, certes à fleurets mouchetés, mais des fleurets quand même… Le PAM dit qu’il voudrait y être et le RNI croit dur comme fer qu’il y sera, pendant que l’Istiqlal ne dit rien, mais n’en pense pas moins… comme les autres partis qui sont relégués dans l’opposition, ou même pas…

L’article 47 de la constitution, on le sait, dispose que le Roi désigne le chef du gouvernement dans les rangs du parti arrivé premier aux législatives. Et le roi Mohammed VI a ajouté à cela ce qui désormais est devenu une tradition politique, en l’occurrence la nomination du chef du parti en question (feu El Youssoufi, MM. El Fassi, Benkirane, Elotmani... Ssi Jettou tenant le rôle de l’exception confirmant la règle). En 2017, lors de la fameuse période de blocage institutionnel, le souverain avait fait publier un communiqué dans lequel il disait que, entre autres solutions envisageables et possibles, il avait choisi de remplacer le chef du PJD, alors premier parti, par son numéro deux, en l’occurrence le président du Conseil national.

Aujourd’hui que toutes les ambitions sont ouvertes, elles demeurent néanmoins chuchotées sur l’identité de celui, ou celle, qui conduira le prochain gouvernement ; beaucoup s’y voient, peu y croient, aucun n’en parle. Passage en revue des différents profils et, à tout seigneur tout honneur, commençons par les formations actuellement en responsabilité.

Le RNI. On le dit partant pour rester, on le devine piaffant pour rempiler, il agit comme étant décidé à tout faire pour. Le RNI est persuadé qu’il a fait du bon travail, beaucoup n’en sont pas autant convaincus, mais les Bleus s’en moquent : ils y sont, ils y resteront. En cas de victoire, Aziz Akhannouch s’y verrait bien aussi, c’est ce que du moins affirment, le regard très sérieux et le ton grave, certains de son proche entourage. Question : en remontant le plus loin possible dans l’histoire récente du Maroc, quel est ce premier ministre/chef de gouvernement qui est resté en poste après des élections victorieuses ? Abdelilah Benkirane a presque failli y arriver, mais il n’y a pas réussi, confirmant là aussi une règle non écrite.

Il reste cependant d’autres profils au RNI. Ils se disent tous non intéressés, du moins en « off », car personne n’ose en parler en « on », mais honnêtement, qui refuserait d’occuper la fonction de chef du gouvernement du royaume du Maroc ? Moulay Hafid Elalamy serait un bon candidat, avec son passage plus que réussi au gouvernement de 2013 à 2021, et on se souvient de son grand programme, réussi, de l’accélération industrielle, comme on se souvient de son départ émouvant de son ministère en 2021, sous les applaudissements des fonctionnaires. Le très silencieux Chakib Benmoussa, qui a occupé presque tous les postes importants, a été peint en bleu en 2021, et on se demandait bien pourquoi… Mais s’il n’a jamais été bleu dans l’âme, il a gardé plein de bleus sur le corps à sa sortie du gouvernement.

Nadia Fettah, la dirigeante sobre qu’on pourrait presque croire effacée si on ignore sa véritable personnalité. Spécialiste en fusion-acquisition dans le privé, elle s’est fondue dans la fonction publique et y a acquis une grande expérience et expertise. RNIste par nécessité, elle est surtout d’une discrète et redoutable efficacité, mais elle est desservie par son silence et son invisibilité, précisément. Le nom de Mbarka Bouaida est également avancé comme potentiel ou possible chef du gouvernement à venir. Elle est politique, au besoin politicienne, plusieurs fois élue, plusieurs fois membre du gouvernement, elle est aussi polyglotte et madrée. Au chapitre « femmes », donc, le RNI peut proposer l’économiste/financière ou la politique/diplomate.

Le PAM. On prête à Fatima Zahra Mansouri l’ambition de remporter avec son parti les élections à venir, et donc de diriger le « gouvernement du Mondial », comme elle le laisse entendre elle-même, écoutant certainement des voix venues de l’intérieur (sans majuscule…). Elle est maire de Marrakech pour la seconde fois, non consécutive. Mais être femme, maire et ministre ne prédispose pas forcément à la primature ; les actes, les faits, les réalisations priment.

Mehdi Bensaïd est, de la reconnaissance de tous, la véritable cheville ouvrière du PAM, dont il est aussi le co-chef, avec un tout petit cran tout de même en-dessous de Mme Mansouri. Doté d’un courage politique très singulier et rare dans le pays, il ne refuse aucun débat, aucune joute, aucune descente dans la mêlée. Ancien député et actuel ministre, ouvert sur la jeunesse et les nouvelles technologies, il est sur tous les fronts. Et il est crédible. En dehors de ces deux profils et malgré le dopage et quelque racolages, le PAM n’abrite pas beaucoup de profils « chefdugouvernementisables ».

L’Istiqlal. Le parti est crédible, sa nouvelle direction aussi, et son secrétaire général surtout. Nizar Baraka s’y voyait en 2021 déjà, mais le tsunami bleu fangeux en avait décidé autrement. Le ministre de l’Equipement et de l’Eau est docteur en économie, plusieurs fois ministre, ex-patron du CESE, de la commission scientifique de la COP22 et du dialogue stratégique Maroc-Etats-Unis, ce qui signifie qu’il connaît bien les ressorts et la logique économiques yankees, une qualité bien utile par les temps qui courent… Organisateur, communicateur, il est aussi efficace qu’éthique, mais il ne rechigne pas, au besoin, de montrer sa férocité qui n’apparaît pourtant pas au premier coup d’œil.

Et les autres… L’USFP n’a personne et cela tombe bien car personne ne la donne gagnante en 2026 ; le MP mène une lutte épique pour ne pas être oublié, et l’UC est oubliée. Le PJD avec Abdelilah Benkirane continuera de tanguer, et si l’ancien chef du gouvernement s’en va, le parti aura besoin de quelques années pour se construire hors Ssi Benkirane, une personnalité puissante et marquante mais aujourd’hui frappée d’obsolescence.

Il reste le PPS, crédible dans ses positions, courageux dans leur expression, intrépide face aux sanctions, mais handicapé par son éternelle petite dimension. Nabil Benabdallah, son chef, est un de nos meilleurs politiques, mais il n’a aucune chance de rafler la centaine de députés qui lui permettraient de briguer la pole position et d’attendre le coup de fil du palais.

Il existe bien sûr des outsiders, comme Fouzi Lekjaâ, dont le nom revient souvent pour la fonction. Bien que très compétent, l'homme n'a pas encore d'appartenance politique clairement identifiée, et avec ses occupations actuelles (Budget, FRMF, Mondial), il doit encore disposer d’une heure de libre par semaine, ce qui est insuffisant pour diriger un gouvernement.

 

Alors, qui ? Partant de la constitution et se basant sur la tradition installée par le roi sur ses choix d’un chef du gouvernement, le fauteuil de chef du gouvernement balancera entre ces différents profils. Veut-on de l’efficacité avec quelqu’un qui ne se contente pas de dire qu’il a livré, quelqu’un qui livre effectivement et se livre autant ? de la féminité, pour crier au monde que nous avons une cheffe de gouvernement (quoique Mme Fettah ait d’autres atouts) ? de l’éthique, enfin ? la population décidera et le roi affinera.

Toujours est-il qu’il faut garder à l’esprit que le parti qui sortira des urnes et le chef du gouvernement qui sortira du palais auront à affronter bien des périls et des défis. Le Mondial certes, mais surtout la suite (que fera-t-on de toutes ces infrastructures, dont « le-stade-le-plus-grand-du-monde »par exemple ?) ; il lui faudra gérer les perturbations du monde, Donald Trump et ses décisions erratiques, l’Europe qui se droitise, voire s’extrême-droitise, les Algériens qui remuent… il lui faudra gouverner avec la pluie qui se fait rare, l’endettement et donc les finances publiques qui inquiètent, l’émigration qui effraie, la nouvelle génération qui émerge (et reste au pays) avec ses codes, ses attentes et sa mauvaise humeur… en plus d’autres mutations, par essence imprévisibles.

Les électeurs devront réfléchir à deux fois, voire plus, avant de glisser leur bulletin dans l’urne ; ils devront réfléchir partis et non affects, imaginant qui pourrait être chef du gouvernement après leur vote. De ce scrutin sortira, en cinq ans, l’émergence ou la désespérance. A nous tous, toutes, de voir !...

Aziz Boucetta



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