Réforme de la procédure pénale : Bouayach appelle au respect de l’État de droit

La présidente du Conseil national des droits de l’Homme (CNDH), Amina Bouayach, a souligné, mercredi à Rabat, la nécessité de prendre en compte le principe de l’Etat de droit dans la révision du projet de loi 03.23 modifiant et complétant la loi 22.01 sur la procédure pénale.
Présentant « les principes guidant les observations et recommandations du Conseil autour du projet de loi sur la procédure pénale » à la Commission de la justice, de la législation et des droits de l’homme de la Chambre des représentants, Mme Bouayach a relevé que la soumission du Code de procédure pénale aux exigences du principe de l’État de droit transcende l’approche fonctionnelle des textes de procédure, ce qui érige la légitimité constitutionnelle en une référence ultime pour toute intervention législative dans le domaine des droits et libertés.
Ce principe, poursuit-elle, porte sur un ensemble de garanties juridiques et institutionnelles qui encadrent l’intervention des autorités d’enquête et d’instruction et les soumettent à un contrôle qui assure le respect des droits fondamentaux dont la possibilité d’auditionner un suspect sans obligation de le placer en garde à vue et l’accès à son droit à la défense, tout en encadrant cette procédure par des conditions légales précises et en autorisant le Ministère public à leur levée en l’absence de ces conditions, ce qui reflète la soumission du pouvoir exécutif au principe de légalité.
Le principe de l’Etat de droit est pris en compte également dans les recommandations du Conseil relatives à la création du poste de porte-parole officiel du Ministère public, afin de permettre l’accès de l’opinion publique à l’information dans un cadre adéquat qui prend en considération la confidentialité des enquêtes et la présomption d’innocence, et assure un équilibre entre la transparence et la justice.
Il est question aussi de conserver le pouvoir du Ministère public d’ouvrir des enquêtes et d’engager des poursuites automatiquement en cas de délits financiers, sans nécessité de saisine préalable des organismes de contrôle, ce qui renforce son indépendance institutionnelle et empêche l’obstruction aux procédures judiciaires par des obstacles administratifs.
En outre, Mme Bouayach a souligné que les observations du Conseil national sont basées sur les garanties d’un procès équitable en tant que fondement de la légitimité procédurale, notant que ces garanties, “au delà de leur fonction protectrice, reflètent également une vision philosophique de la justice comme un acte fondé sur la reconnaissance mutuelle des droits et des devoirs des parties au procès, et sur un équilibre qui va au-delà de la dimension purement juridique vers une dimension de droits, liée à la manière dont les parties présentent leur position au cours du procès”.
Dans ce sens, elle a souligné la nécessité de permettre aux suspects de contacter leur avocat dès leur placement en garde à vue et assurer leur présence effective lors des interrogatoires et d’accorder la possibilité de report des séances d’interrogatoire pour une durée raisonnable permettant l’exercice effectif de ce droit.
La personne concernée et sa défense devraient pouvoir examiner le dossier de la Police judiciaire, a fait remarquer Mme Bouayach, appelant à réduire les délais de garde à vue dans des cas exceptionnels.
Sur un autre registre, la présidente du CNDH a souligné un autre principe lié à l’égalité des parties, une des garanties primordiales de l’indépendance et de l’impartialité judiciaires qui reflète l’engagement de l’Etat à établir des procédures qui empêchent les déséquilibres de pouvoir dans le cadre de l’action publique.
Elle a appelé à permettre à la défense d’exercer ses droits sur un pied d’égalité avec “l’autorité de poursuite”, en garantissant la présence d’un avocat dès le placement en garde à vue du suspect, avec la possibilité de reporter l’interrogatoire jusqu’à la présence de l’avocat, tout en insistant sur l’importance d’assurer la confidentialité des communications entre le suspect et sa défense, sous la supervision d’un officier de police judiciaire.
Il est question également, selon la présidente de la CNDH, de permettre à la défense de consulter le dossier de police judiciaire transmis au Ministère public, lui permettant ainsi de préparer efficacement sa défense et de confronter les preuves de l’accusation.
Par ailleurs, Mme Bouayach a affirmé que le mémorandum préparé par le Conseil aborde également les contraintes pratiques qui entravent l’accès à la justice pour certains groupes, notamment les personnes handicapées, les femmes, les enfants et les migrants, soulignant que la procédure pénale n’est pas simplement un outil procédural de l’encadrement de l’engagement des poursuites, mais reflète plutôt la perception de la société de la fonction de l’autorité, des limites de leur intervention et de leur adhésion à la loi, de la consécration de la légitimité constitutionnelle et de la soumission des procédures à des conditions juridiques strictes.
De son côté, le président de la Commission de justice, de législation, des droits de l’Homme et des libertés à la Chambre des représentants, Said Baaziz, a souligné que cette réunion, tenue par la commission avec une importante institution constitutionnelle, est la troisième d’une série de réunions organisées avec d’autres organes constitutionnels pour fournir une série d’explications et de clarifications concernant le projet de loi sur la procédure pénale.
M. Baaziz a expliqué que cette réunion incarne le principe de coopération et d’intégration entre les institutions, faisant observer que les amendements proposés par les groupes parlementaires seront certainement basés sur les recommandations soumises par le CNDH, ce qui contribue à l’avancement de la performance parlementaire, notamment, sur le plan législatif.
Dans son mémorandum sur le projet de loi sur la procédure pénale, le CNDH a proposé 79 recommandations spécifiques, qui portaient sur des dispositions spécifiques explicitement mentionnées dans le projet de loi et 24 recommandations générales qui abordent des questions non traitées dans ledit texte. Ces questions revêtent, selon le CNDH, une importance structurelle et stratégique et nécessitent d’être traitées en les incorporant au niveau des dispositions spécifiques au sein du projet de loi ou à travers leur mise en œuvre au niveau de la pratique judiciaire et administrative.