(Billet 1154) – A. Benkirane, définitivement pas sortable, difficilement fréquentable !

(Billet 1154) – A. Benkirane, définitivement pas sortable, difficilement fréquentable !

Sitôt qualifié, le voilà disqualifié ! L’ancien chef du gouvernement a été triomphalement réélu la semaine dernière au secrétariat général du PJD, et quelques jours seulement après, le 1er mai, le voilà qui se répand en injures vulgaires, grossières, ordurières, contre ceux qui ne sont pas de son avis. L’homme est coutumier du fait, et il a même bâti sa carrière et fondé son charisme sur des propos de corps de garde, mais on pouvait penser que l’âge aidant, sa réélection serait porteuse d’un assagissement. Il n’en est rien, et ce n’est pas admissible.

Dans son discours de la fête du Travail, l’ancien chef du gouvernement a montré la pleine capacité de sa… fatigue ; discours décousu, narcissisme en inquiétante progression, éloquence évaporée. Eruptif comme rarement, attaquant tout et s’en prenant à tous, il arrive à son mantra préféré, la Palestine et le génocide en cours ; cette marotte qu’il sait remuer les foules, … enfin, ses foules acquises, idolâtres, béates devant leur champion, lui passant tout, même ses dépassements.

Qu’a-t-il dit, feignant une colère à la Joe Dalton et dans une vulgarité qui force le respect ? « Au Maroc, il y avait unanimité autour de la question palestinienne, et personne ne se permettait de se prononcer contre l’opinion générale ; aujourd’hui, nous avons des ‘microbes’, en politique, dans les médias, dans certaines institutions publiques ou pas (…). Espèce d’âne, n’as-tu donc pas lu l’Histoire, en Andalousie, quand à chaque fois qu’une cité tombait, les autres n’en avaient cure, avant qu’elles ne soient toutes balayées ! Oui, tu es un âne, sachant que mêmes les ânes doivent être furieux que je les compare à toi ! ». Voilà comment s’exprime un ancien chef du gouvernement du Maroc à l’adresse d’autres Marocains qui ne pensent pas comme il le voudrait, comme à ses yeux ils le devraient. Dans la noble assemblée qui l’entourait, certains souriaient bêtement, faisant la claque à chaque outrance, les autres étaient effarés de la violence sémantique et culturelle du mot « âne » dans notre société.

Il insulte le patron de presse et entrepreneur Moulay Ahmed Charaï pour ses positions connues sur Israël, puis il généralise en passant au pluriel et en intégrant dans sa diatribe et son hystérie toutes celles et tous ceux qui clament « Taza avant Gaza ». Mais en réalité, que disent ces gens ? Ils proclament leur loyauté à leur pays, d’abord, puis leur solidarité avec les Palestiniens. Et puis, avant tout, au-dessus de tout, ils expriment leur opinion, en toute simplicité. Mais cela ne sied pas à M. Benkirane qui se voit pousser des ailes.

Oui, M. Benkirane, nous sommes d’abord Marocains, et notre allégeance, notre fidélité, notre attachement va d’abord au Maroc, et si les intérêts supérieurs du Maroc vont vers la normalisation, alors oui, normalisons. Normalisons et faisons la part des choses, comme le fait le roi et comme le décline notre diplomatie sur le terrain : on normalise avec un Etat dont 10% de la population sont d’origine marocaine, mais on condamne les agissements de son gouvernement actuel, qui abrite tant de tueurs, dont son chef.

Mais qui diable est M. Benkirane pour s’exprimer au nom des Marocains ? Une petite minorité d’électeurs sont acquis à la cause PJDiste, et encore moins encore à la personne du personnage ; et même au plus fort de sa popularité, ce parti n’avait recueilli que 1,6 million de suffrages, un petit dixième de notre électorat. L’abstention et l’indifférence des Marocains à l’égard des opérations électorales a fait le reste, permettant au PJD d’occuper la pole position et à son chef d’assurer la chefferie du gouvernement. La popularité passée d’un homme appartenant désormais au passé ne peut tout permettre et, en désignant encore à sa tête un homme en phase ascensionnelle de dépit, le parti a montré qu’il plonge lui-même dans le passé, un peu comme s’il avançait à contresens de la marche du pays.

Ssi Abdelilah Benkirane veut, en outre et outrancièrement, voir des cohortes de jeunes et de moins jeunes galoper vers Gaza pour y faire le coup de feu. Non, Monsieur, nos jeunes ont autre chose à faire qu’aller guerroyer et mourir pour une cause qu’ils endossent par humanité mais qui n’est pas la leur. On ne donne pas sa vie inconsidérément. Quant aux moins jeunes, nos seniors, après une vie de labeur, ils mériteraient bien une retraite reposante… mais rien ne vous empêche d’y aller, vous, à Gaza, puisque vous ne semblez pas souhaiter cette retraite paisible que vous voulez nier à vos contemporains ! Allez-y, Ssi Abdelilah, peut-être qu’avec votre charisme et votre foi qui déplace les montagnes, vous ramèneriez les Netanyahou, Ben Gvir et autre Smotrich à de meilleurs sentiments humains… peut-être aussi que sans même vous battre, à l’instar de Jésus, vous feriez œuvre pie en multipliant le peu de pain et de poisson disponibles à Gaza… Mais laissez les jeunes faire leur vie sérieusement et les vieux finir la leur sereinement.

Les Marocains ne sont pas plus « Palestiniens » qu’ « Israéliens », ils sont Marocains, tout simplement. Ne versons pas dans l’émotivité excessive, dans un sentimentalisme improductif et cultivons notre jardin ; et notre jardin, n’en déplaise encore une fois à M. Benkirane, c’est le Maroc, non la Oumma… et si on devait absolument élargir, alors nous sommes Africains bien plus qu’Oummistes. M. Benkirane veut mourir pour la Palestine, alors qu’il le fasse ! Mais encourager des jeunes à aller se sacrifier, alors il s’exclue de cette société, il n’est plus des nôtres !

Si M. Benkirane prend tellement à cœur cette Oumma, pourquoi ne dit-il rien sur les massacres de musulmans en Birmanie, sur le sort des musulmans relégués au statut de citoyens de seconde zone dans l’Inde de Modi, sur leurs difficultés dans une Europe de plus en plus islamosceptique, pour ne pas dire islamophobe ?

Dans un précédent billet, nous disions que cet homme doit être respecté pour ses fonctions passées, qu’il ne doit être ni insulté ni rabaissé, mais cela va dans les deux sens. S’il descend dans l’arène de la bassesse, de la grossièreté, de l’outrance, alors il ne faudra pas s’étonner qu’il y rencontre des gens qui l’accableront bien mieux qu’il ne le fait à leur encontre, et il en sera entièrement responsable, partant de cette maxime الخير بالخير والبادي أكرم والشر بالشر والبادي اظلم.

Entre un chef de gouvernement qui veut « rééduquer les Marocains » et un autre qui les insulte en les qualifiant de « microbes » et d’ « ânes », notre pays mérite mieux… et il ira certainement mieux si les électeurs vont effectivement voter le moment venu !

Aziz Boucetta



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