(Billet 18) - Qui pour parler à ces consulats qui nous méprisent…

Au Maroc, on utilise souvent le terme « خرج » pour désigner quelqu’un qui a voyagé, et les pays du monde sont appelés « الخارج », comme pour indiquer, en creux, une cage où nous serions enfermés. Cela était vrai jadis, quand il fallait plusieurs mois et autant de pistons pour mériter un passeport. Aujourd’hui, obtenir ce document est une formalité, mais les gens des consulats vous attendent de pied ferme.
Avant, on entrait en Europe… en y allant avec un passeport en cours de validité. Mais ça, c’était avant... puis, un visa a été instauré, et son obtention a été progressivement compliquée. Les files d’attente se sont allongées devant les consulats, avec des agents consulaires de moins en moins accueillants, puis de plus en plus malveillants.
Pour la France, la Belgique, l’Italie, l’Espagne… c’est une société privée qui accueille aujourd’hui les demandeurs de visas, et qui recueille leurs données personnelles ! Mais ce sont les consulats qui restent chargés du traitement et qui se montrent de plus en plus intraitables. Plus cocasse encore… La société privée s’étant estimée encombrée, elle exige désormais avec une élégance inouïe que ses frais soient payés aux guichets d’une autre société privée… Et nos compatriotes sont ainsi baladés, méprisés, à la très grande indifférence de M. Bourita, notre diplomate en chef, pourtant connu pour sa fermeté.
Certains consulats bunkérisés osent même réclamer des documents du fisc, de la CNSS… de ce qu’ils veulent… puis les passeports sont rendus, avec ou sans visa, après 15 jours. Ou 20. Ou 30 ! Avec un autocollant tenace. Si, dans l’intervalle, les Marocains demandeurs souhaitent se rendre dans un pays ne requérant pas de visa, et bien ils ne peuvent pas ! Leur passeport, document de souveraineté par excellence, est détenu par une société et par une administration étrangères hermétiques.
Par ailleurs, ces apaisants pays que sont l’Arabie ou encore la Jordanie interdisent aux Marocaines de moins de 35 ans d’entrer si elles sont non accompagnées car chez ces gens-là, Messieurs, on ne pense pas, non, on juge ! Une jeune Marocaine a forcément les mœurs « légères »… pour rester poli.
Notre douce constitution, en son bel article 24, dispose qu’« est garantie pour tous, la liberté de circuler et de s’établir sur le territoire national, d’en sortir et d’y retourner… ». Qui, parmi nos chefs, devrait-il s’occuper de faire respecter cette disposition, et faire en sorte que voyager ne signifie plus « sortir » ? Qui, parmi nos preux responsables, agira-t-il pour rendre au Marocain sa dignité bafouée, perdue devant les consulats ? On peut y penser un soir de rêverie politique…
Aziz Boucetta