(Billet 36) - L’Istiqlal et (la) Baraka

L’Istiqlal a la baraka… mais peut-être que non, finalement... il a seulement Baraka. Pendant l’ère Chabat, on pensait qu’il lui fallait juste un chef, et avec Nizar Baraka, on croyait en avoir trouvé un. A l’arrivée, deux fois non : à l’Istiqlal, plus qu’un chef, il faut une véritable mue, et Baraka gagnerait à se défaire des pratiques de l’ancien monde, comme dirait l’autre…
Nizar Baraka remplissait pourtant toutes les conditions pour se hisser au secrétariat général même si, dit-on, il n’en frémissait pas vraiment envie : il est en effet bien né, a milité dans les instances du parti, aligne des diplômes intéressants, est polyglotte et dispose d’une expérience réussie dans les arcanes de l’Etat. Ces conditions d’hier pour être adoubé sont ses atouts d’aujourd’hui pour convaincre.
Mais il faut croire que la force d’inertie de l’Istiqlal est la plus forte. Homme d’ouverture, Nizar Baraka était aussi celui de beaucoup d’espoirs, face à la préoccupante indigence de la classe politique et de son Politburo d’hommes en gris avec quelques dames pour mettre de la couleur. Arrimé donc à ses nouvelles fonctions, il avait bien commencé son parcours, adoptant la posture de l’homme d’Etat et proposant même une loi de finances rectificative pour rectifier et ajuster le tir… et puis il a décidé de s’attaquer à l’imposture de l’Histoire en relisant celle du Rif car pour tracer et prédire l’avenir, rien de mieux que rayer les non-dits du passé. Des rencontres, des voyages, de l’empathie, périples sur nos vertes et moins vertes contrées, comme ses glorieux aînés… mais le naturel, comme en toute chose, revient toujours à Mach 2.
Ainsi donc de cette lassante histoire de langues, où M. Baraka montre sa maîtrise de la langue de bois, marque de fabrique du bon Istiqlalien… Il nous dit avec un aplomb de cardinal que c’est un crime contre nos chères têtes brunes que de prodiguer l’enseignement des matières scientifiques en français… car les enseignants ne maîtrisent pas la langue. Soit, alors une solution peut-être ? Attendre 60 ans encore, pour bien réfléchir ? Garder l’arabe pour ces disciplines, et perdre tout autant ces 60 ans ? En vérité, pour l’Istiqlal de M. Baraka ce n’est ni oui ni non, c’est faut voir… L’essentiel est de critiquer le gouvernement, les solutions viendront, un jour, ou pas.
Avec ce genre de politique, on peut certes oui gagner une élection, mais on ne remporte pas un challenge. M. Baraka veut-il simplement gagner une élection, pour cinq ans, au risque de ne pas entrer dans l’Histoire, pour toujours ?... Pour M. Baraka, « sauver » l’arabe dans notre glorieuse nation est-il donc plus important que sauver (sans guillemets) les jeunes Marocains ? Réponse affirmative et perspective négative pour les deux questions…
Aziz Boucetta