(Billet 64) – Journalistes oukachisés, la faute à qui ?

Un méchant juge vient de condamner quatre gentils journalistes et un preux et valeureux élu parlementaire à une amende de 10.000 DH et surtout, comble de l’horreur, à des peines de prison de 6 mois, hamdoullah avec sursis. Une infamie, une abjection, une ignominie ! Comment peut-on donc condamner à des peines privatives de liberté des journalistes qui ont fait leur travail ? Réponse : en appliquant la loi. Tout simplement.
Quand le Président Benchamas (quel joli titre, Président Benchamas…) avait esté en justice en 2016 contre la divulgation d’extraits de la déposition d’Abdelilah Benkirane devant la commission d’enquête sur les retraites, son étrange décision avait été huée et sa rugueuse personne conspuée. Puis à chaque audience, la société était là, fière et altière, belle comme un jour férié, guettant les entorses à la liberté d’expression et suintant de Vertu et de Morale à chaque fois qu’elle décelait, ou croyait déceler, un manquement.
Question : elle était où, la société, quand la loi organique 85-13 avait été déposée, discutée, débattue, votée et adoptée. Le 21 mais 2014, date de son adoption, fut l’exact moment de la grande bascule des droits, mais là, la société regardait ailleurs. Et pourtant, le texte menaçait de prison (art. 14) toute violation du secret des délibérations (art. 11), alors que sous des cieux plus civilisés, la publicité est la règle, et la confidentialité l’exception. Mais ce sont des contrées civilisées, elles… Chez nous, malgré la loi, le droit, la foi et la (difficile) présomption de bonne foi, le réflexe d’embastillement titille toujours, comme toujours, nos gouvernants.
Qu’elle ne vienne donc pas, aujourd’hui, jouer les vierges effarouchées, cette société, offensée par le jugement. La cour n’a fait que dire le droit… à défaut de rendre justice. Et si le droit est mauvais, et que la justice devienne injuste, ce n’est pas la faute aux juges, mais au législateur, dont on connaît la valeur aussi dépréciée qu’un bolivar vénézuélien, lui qui n’a rien dit lors de la divulgation des débats de la commission sur les hydrocarbures. Ah, le petit personnel, on ne le tient plus… mais une petite engueulade et il filera droit.
Et seule la société peut le tancer, puis le décontenancer en appelant au changement de la loi organique susdite. Pour cela, à loi organique, loi organique et demi… Pour annuler les articles 11 et 14 de la 85-13, la société devrait quelque jour prochain engager une motion ou une pétition (lois organiques 64-14 et 44-14).
A défaut, la bastille prospérera, la baston en appui, et la société continuera de jaillir comme un feu de paille, finissant d’euthanasier nos espoirs moribonds pour un avenir radieux, avec une liberté en sursis et une modrnité en suspens.
Aziz Boucetta