(Billet 107) – Quand les députés phosphorent sur OCP…

(Billet 107) – Quand les députés phosphorent sur OCP…

La nature d’une démocratie, c’est bien évidemment la gouvernance et la reddition des comptes, mais le propre d’une nation, c’est aussi et surtout la protection de ses fleurons. Comment concilier les deux ? C’est là que l’imagination doit être convoquée et mise à l’épreuve. En effet, le Maroc étant encore novice dans la pratique démocratique, il a opté pour le contrôle parlementaire global, sans garde-fous. C’est bien, mais c’est insuffisant, et surtout risqué.

La constitution, en son article 27, dispose clairement que si les citoyens ont droit à l’information, ils n’ont pas accès à toute l’information. Sont exclus du champ public la défense nationale, la sûreté intérieure et extérieure de l’Etat. L’armée, la police, donc, tout le monde est d’accord, mais aussi certains grands monopoles. Ainsi, par exemple, de l’OCP…

Dans un récent rapport sur l’OCP, la Cour des comptes le précise bien : « En raison de la sensibilité (…) et de la nature des données utilisées, dont la publication pourrait porter préjudice à la société, la Cour des comptes (…) a décidé de publier, uniquement, une synthèse du rapport relatif à cette mission ». Et pour être sûr d’être bien compris, Driss Jettou a gentiment expliqué aux députés que la concurrence scrute de près les activités de l’OCP et la publication du rapport leur donnera toutes sortes d’informations sur les investissements, les engagements, les réserves, les process… Une sorte de mise à nu de notre champion (inter)national. Ce qui serait dommage, car pour une fois qu’on est leader mondial de quelque chose…

La Cour a-t-elle donc tout vu, ou non, à l’OCP ? Si oui, a-t-elle tout consigné de ce qu’elle a vu ? Elle dit que non, car plusieurs éléments sont confidentiels. A-t-elle tout dit aux députés ? Assurément non, et c’est tant mieux… Ces dernières années, OCP a été attaqué à Bruxelles, où on a très opportunément découvert le cadmium qui réduirait la qualité du minerai ; au Kenya, les teigneux Saoudiens menés par l’insoutenable MBS ont décidé que l’Afrique de l’est leur appartient… et même les Américains froncent le sourcil face au leadership d’OCP en matière d’extraction et de transformation en acides et en engrais. Quant à la France, elle est également (très) contrariée par les initiatives de coopération sud-sud du groupe avec les partenaires africains du royaume. Et tout cela survient alors même qu’USA et Chine protègent soigneusement leurs secrets « phosphatiers ».

Alors, OCP doit être contrôlé ou non ? la réponse est oui, au nom du principe de la bonne gouvernance et de la bonne gestion, mais cela doit être effectué par une structure parlementaire ad hoc, à l’image des Institutions Supérieures de Contrôle (ISC) en Europe. Les députés c’est bien, la démocratie, c’est excellent, la transparence, c’est merveilleux, mais la protection des fleurons nationaux, c’est vital !

Aziz Boucetta

 

 



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