(Billet 151) – Les politiques coulent, mais ce sont les gens qui se noient

Quand le roi fait un discours, il le fait généralement en arabe clair et très compréhensible… et lorsque les populations s’énervent sur les réseaux contre l’insoutenable légèreté de leurs élus, c’est le plus souvent en darija, en arabe classique ou même en frarabe, mais dans un langage toujours intelligible… Alors on peut légitimement se demander comment et pour quelles raisons les si abusivement appelés « responsables » ne comprennent pas.
Mercredi 28 août, 7 personnes sont décédées et plusieurs autres sont portées disparues et activement recherchées. La raison ? Un terrain de football construit et aménagé sur le lit d’un oued dans le petit village de Tizert, province de Taroudant. Seul un esprit malade pouvait permettre ça… et seuls des cerveaux en marmelade avaient pensé à inaugurer ça ! Ô joies du Maroc inutile, ô merveilles de ses responsables si futiles !
On dit qu’il ne faut pas montrer et faire circuler les images… Erreur, car c’est précisément grâce au choc des images que les abjections des (ir)responsables sont éventées et que les secours arrivent et s’activent. Le ministère de l’Intérieur a aussi prestement que promptement agi, montrant moult photos de ratissage et de survols de la zone du sinistre où le ministre a dépêché des moyens importants. Seulement voilà : il ne s’agit pas tant d’agir a posteriori pour récupérer les corps qu’a priori pour éviter les morts. Et c’est là que se pose le problème !
Puis voilà que nous avons deux ministres, en l’occurrence le chef du gouvernement et son ministre des Affaires générales qui se fendent de longs messages aussi apitoyés que pitoyables, aussi creux que vains, montrant tout autant leur supposée empathie que leur réelle apathie. Ils se lamentent sur la mort de ces gens, prient le Très Haut de les accueillir en Sa sainte miséricorde, ce qu’Il aura certainement fait sans n’avoir besoin de personne pour le Lui demander.
Mais bon, rassurez-vous braves gens, une enquête a été ouverte, a bredouillé le chef du gouvernement, dans une formule ciselée main, face à ses pairs ministres arborant tous une mine (faussement) compassée, attendant que ça passe... Ouverte par qui, l’enquête ? Par l’administration, pardi ! Tiens, mais qui donc est responsable du drame, assimilable à un meurtre collectif par négligence ? Ladite administration, qui se retrouve donc juge et partie. Soit… Le placard des enquêtes ouvertes et jamais fermées s’encombrera d’un nouveau dossier dégoulinant de sang…
Dans les pays civilisés, des révocations/démissions/accusations suivent ce genre de tragédie. Chez nous, rien. Sous d’autres cieux, la justice s’en mêle… il y a eu, quand même, 7 morts, au moins. Chez nous, rien (du moins pas encore). Chez nous, le gouvernement et son chef bafouillent, mais jamais ne se mouillent. Et pourtant, ils réussissent à se noyer. Au sens figuré, laissant le sens propre, et le sang qui coule, aux victimes. Vivement le sang neuf dont parlait le roi Mohammed VI dans son discours du Trône, car en attendant, les doléances augmentent proportionnellement aux condoléances.
Aziz Boucetta