(Billet 170) – Assises de la culture ou culte des Assises ?

Il semblerait qu’au Maroc, les décideurs soient – finalement – en passe de comprendre que la richesse de la nation n’est pas toujours matérielle… et que cette richesse immatérielle fondera le nouveau modèle de développement dont tout le monde parle depuis deux ans. Et dans cette richesse immatérielle, la culture figure en bonne place, peut-être-même la première ! Cela tombe bien, puisque nous sommes à quelques jours de la tenue des Assises de la culture.
Des Assises ? Encore ? Oui. Chez l’humain en général, on s’assied pour causer, mais chez le Marocain, le risque est de se contenter de gloser, sans jamais oser, sans rien proposer. Pourquoi donc des Assises de la culture, après celles de la fiscalité, de l’agriculture ou encore du développement humain ? Pour dresser l’état des lieux, et travailler au mieux.
Le Maroc est un vieux, un très vieux pays qui a à peu près tout connu depuis un millénaire et demi qu’il existe. Beaucoup de traditions, de coutumes, de savoir-faire se sont accumulés durant cette longue période, mais on ne donne pas l’impression, dans nos vertes contrées, d’en avoir pris la mesure. La preuve par le Zéro ? la culture ne pèse que 0,8% du budget général de l’Etat, et elle ne dispose même pas d’un ministère à part entière… Plus encore, il aura fallu attendre 2019 pour voir la création d’une fédération de la culture et des industries créatives à la CGEM… Pourquoi la CGEM ? Et bien parce que la culture, une fois organisée, une fois moins ostracisée, favorise l’entreprise, pousse l’entrepreneuriat, encourage l’emploi et… crée la richesse.
La Fédération estampillée CGEM a fédéré sept secteurs, qui sont arts visuels et contemporains, musique, spectacle vivant, édition et librairie, cinéma, audiovisuel, établissements culturels et espaces pluridisciplinaires. Aucun de ces secteurs ne fonctionne vraiment et chacun de ces secteurs est créateur potentiel de richesse matérielle et immatérielle. Il faut juste le comprendre, et on comprendra que la culture peut générer des dizaines, voire des centaines de milliers d’emplois, et l’opulence qui va avec, immanquablement et « bancablement ».
Le Maroc est connu pour sa riche gastronomie, pour sa longue histoire, pour ses nombreux genres musicaux, pour ses chatoyantes tenues vestimentaires, et pour plein d’autres choses du même type… mais les gens qui s’adonnent à ces activités ne rencontrent qu’exceptionnellement l’écho et le respect qui leur sont dus. Exemple : avant le succès retentissant du festival Gnaoua, les Gnaouis étaient considérés comme des mendiants… Maintenant, ils se produisent dans le monde entier et se portent infiniment mieux.
Aujourd’hui, en matière culturelle, les planètes sont alignées, comme le seront les chaises autour de la table des Assises de la semaine prochaine. On peut espérer que ce seront de vraies Assises, avec des conclusions précises, et pas un simple culte des Assises… Le ministre Mohamed Laâraj semble en effet vouloir faire le job qui lui est instamment demandé par les responsables de la fédération que sont Neila Tazi et Abdelkader Retnani.
Il faut simplement du courage et de l’enthousiasme, de la persévérance et de la persistance… La richesse immatérielle est là, il faut juste se baisser pour la récupérer, et de cesser de marcher en regardant le ciel, car ainsi on trébuchera. Avec un Maroc qui bouillonne, le risque de glisser est grand !
Aziz Boucetta