(Billet 189) – Malgré le Doing business, persistance du stress

Alléluia… le Maroc est une terre où il fait bon investir ! Le Doing business l’a dit, le gouvernement s’en ébaudit et le Maroc gagne en crédit. Il est vrai que gagner 7 places d’un coup est une prouesse, alors même que le gouvernement n’en escomptait que 5, et encore dans ses rêves les plus insensés. Donc, joie et allégresse pour notre rang au Doing business, mais cela n’empêche pas la persistance du stress.
Ainsi donc, quand on voit la courbe concernant le royaume, on voit que nous avons réalisé le Grand Bond en Avant capitaliste, passant du 128ème rang en 2012 au 53ème aujourd’hui (sur 190 pays), en moins de dix ans, à la grande surprise du chef du gouvernement, encore plus souriant et satisfait que jamais. Et on remarque aussi que les années où le pays a reculé sont les années d’incertitude politique, en 2012, en 2015 et en 2017. La politique et les affaires, c’est bien connu, cela ne fait pas bon ménage…
Ce classement, pour positif qu’il soit, et n’en déplaise à celles et ceux qu’il caresse dans le sens du poil, montre finalement que les études opérées sur le Maroc, estampillées Banque mondiale ou autre, sont plutôt approximatives, quelque fois naïves, souvent biaisées. Ainsi, nous autres Marocains savons que les réformes introduites sont souvent fortuites, et surtout rapides, trop rapides pour changer les mentalités de nos chers fonctionnaires qui fleurissent et prospèrent dans nos trop pléthoriques administrations publiques qui les protègent très soigneusement contre les assauts de leurs devoirs.
Comment, par ailleurs, donner crédit à ce somptueux classement alors même que le chef de l’Etat lui-même, dans son dernier discours, a tancé le secteur privé en général et les banques en particulier pour ne pas montrer un engagement franc et massif dans l’économie du pays ? Si vraiment l’environnement des affaires avait changé, le secteur privé aurait évolué, même à reculons.
En fait, en réalité et en vérité, le Maroc officiel a compris l’astuce… Créer un organisme qui suivrait à la trace les experts de l’ONU, et cet organisme a pour nom le Comité national de l'environnement des affaires, ou CNEA. Demandez (des infos) et elles vous seront très vite accordées ! Exigez des réformes, et elles seront immédiatement engagées ! Dites-nous ce que vous voulez savoir, et vous en saurez plus encore que vous ne le pensez !
Alors nos rusés décideurs ont déclenché leur machine à légiférer, numérisant à tour de bras, simplifiant les procédures en un tour de main et créant des choses et des machins administratifs à faire tourner la tête de la Banque mondiale, alors que les Marocains, qui savent, eux, détournent le regard.
Selon que vous serez étranger ou local, l’administration du pays vous appliquera le Doing Business ou vous laissera sombrer dans le stress. Toutes les études internationales ne nous feront pas croire que notre administration a changé. Allez dans n’importe laquelle, et vous verrez… Entre le Doing Business et le café noss noss, notre légendaire fonctionnaire a fait son choix ! Mais Alleluia quand même...
Aziz Boucetta
Illustration : Infographie CNEA