(Billet 190) - L’espoir ou le grand soir

(Billet 190) - L’espoir ou le grand soir

Ils sont jeunes, ils sont enthousiastes, ils sont entreprenants et clairvoyants… Ce sont ces jeunes Marocain(e)s qui refusent de s’en aller, et qui ont confiance dans leur pays et dans leur potentiel à y travailler, y prospérer, y créer de la richesse. Ils se prénomment Ahmed ou Laïla, Kenza ou Ali, et ils ont lancé leurs start-ups.

Ils cherchent un avenir meilleur sans aller ailleurs, en exploitant leurs idées avec bonheur. De la chaussure à l’isolation thermique, de la mise en place d’applications agricoles à d’autres dans le domaine du tourisme, ces jeunes ont lancé leurs entreprises et réalisent des chiffres d’affaires intéressants. Certains d’entre eux travaillent avec des organismes et des programmes étrangers, d’autres sont formés dans des incubateurs marocains, même si ceux-ci assurent des programmes standards et non personnalisés.   

Voilà ce que disent ces jeunes : « Le Maroc est notre pays, il nous a vus grandir, il nous a fait grandir… nous y resterons donc et y travaillerons, pour l’enrichir ». « Les étrangers ont emprunté des techniques originellement marocaines, comme la maroquinerie, qu’ils ont développée et améliorée… Pourquoi ne le faisons-nous pas nous-mêmes, on vit comme eux, on mange comme eux, et on dort comme eux, nous sommes donc capables de faire comme eux, en mieux ».

Le problème est que ces mêmes jeunes se plaignent des conditions de créations d’entreprises au Maroc. Dans le réel, sur le terrain. Ils ne connaissent pas le Doing Business, pas plus qu’ils ne suivent les chiffres et n’écoutent les proclamations autosatisfaites des ministres et autres décideurs. « Il nous faut des incubateurs plus performants, mais nous n’en trouvons pas »… « Nous rencontrons des difficultés pour la commercialisation de nos produits »… « Nous aurions besoin d’une meilleure formation sur le fonctionnement d’une entreprise, fiscalité, organisation… ». L'un d'eux précise que « les jeunes Marocain(e)s ont besoin d'apprendre à entreprendre. Etre entrepreneur est un métier, et un métier, cela s'apprend... ».

Et pourtant, ces jeunes bourrés de talents et pétris d’ambitions et de confiance en eux-mêmes persistent à rester chez eux. Jeunes et confiants, ils n’en sont pas pour autant benêts : « Nous n’avons pas besoin d’être exhibés devant des personnalités étrangères ou chaleureusement félicités par MHE ou le chef du gouvernement devant les caméras… une fois qu’on a réussi notre projet. Nous voudrions juste être soutenus et accompagnés, moralement et techniquement, même pas financièrement ; le reste, nous nous en chargeons ».

Cela est dit avec une grande douceur et une infinie gentillesse, dont seuls sont capables des jeunes talentueux. Il leur faut, en face, des dirigeants vertueux, qui ne se content pas d’aligner des chiffres et de dérouler leur autosatisfaction.

Les revendications, expressions et attentes de ces jeunes, prononcés dans leur langage, sont une variante du dernier discours royal devant le parlement. Les mêmes maux dénoncés avec des mots différents. Ces jeunes seront-ils entendus ? Le grand jour où les décideurs et les auto-entrepreneurs se rencontreront, réellement, sera le jour où l’espoir, le vrai, sera là, et le grand soir (peut-être) évité.

Aziz Boucetta



Articles Similaires



Les plus populaires de la semaine

Vidéos de la semaine




Newsletters