(Billet 191) – Brûler le drapeau, des cons et des complices

(Billet 191) – Brûler le drapeau, des cons et des complices

Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit, on le sait, et cela est – souvent –respecté… Une fois cela acquis, quand ils deviennent adultes, les hommes bénéficient de ce droit fondamental qui est celui de s’exprimer comme bon leur semble.  Mais, pour autant, peut-on tout dire et tout faire ? En principe oui, mais à vrai dire, non.

Ce weekend à Paris, quelques dizaines de personnes ont manifesté pour hurler leur colère contre les condamnations dans les événements d’al Hoceima en 2016-17. C’est de leur droit. Ils se sont exprimés, ils se sont énervés, ils ont copieusement vitupéré et aussi beaucoup ri, mais certains protestataires ont surpris. Pris dans le feu de l’action et faisant feu de tout bois, ces contestataires incertains ont saisi un drapeau marocain, et y ont mis … le feu ! Hourras, brouhaha et rires gras ont salué cet acte très discutable, et surtout délictueux.

En effet, ces manifestants crient leur flamme pour la démocratie, et se montrent tout feu tout flamme pour les libertés, le respect la tolérance et la bonne gouvernance. Comment peuvent-ils donc mettre le feu, après avoir abondamment piétiné, les couleurs qui mobilisent et fédèrent autour d’elles 35 millions de Marocains ?  

Un bout d’étoffe frappé de deux couleurs, c’est en principe anodin, mais voilà, il est celui de la nation, de toute une nation, celui que des gens ont défendu au péril de leur vie, et celui que même ceux qui mettent en jeu leur vie sur les pateras n’osent brûler… Il est nous et en dépit de tous nos problèmes, nous restons nous et il demeure nôtre. Les Marocains endurent, chôment, s’endettent, souffrent, meurent mais ne brûlent pas leur drapeau… Ils brûlent leurs papiers pour s’en aller, mais pas leur drapeau… Ils dénigrent leur système et maugréent contre lui, mais respectent leur drapeau.

La loi universelle garantit à tous la liberté d’opinion et d’expression, mais dans le respect des droits et libertés d’autrui (Déclaration des droits de l’Homme, 1948, articles 19 et 29). Au Maroc, en son article 267-4, le Code pénal dispose que « lorsque l'outrage [à l'emblème et aux symboles du Royaume] est commis en réunion ou en rassemblement, la peine encourue est l'emprisonnement d'un an à cinq ans et une amende de 10.000 à 100.000 DH ». En France, la loi Sarkozy punit l’outrage en réunion aux emblèmes nationaux de 6 mois de prison et 7.500 euros d’amende.

Pourquoi alors, pourrions-nous nous interroger, les forces de l’ordre françaises qui encadrent ce type de manifestations, ont-elles laissé piétiner et brûler sur leur sol l’emblème d’un pays supposément ami, ce qu’elles auraient abruptement empêché pour le drapeau français ? Notre bannière brûle et Marianne regarde ailleurs… et se rend ainsi complice !

Alors que faire ? Brûler les auteurs de cet acte, comme abusivement préconisé sur les réseaux ? Demander leur jugement en France, selon les textes de la coopération judiciaire, sachant qu’en France aussi, un tel outrage est interdit ? Ou, plus simplement, considérer qu’il s’agit de simples crétins qu’il faut ignorer, des abrutis certes nés libres et égaux en droit, mais pas en finesse et en entendement ? Passons notre chemin… et pardonnons-leur, car ils ne savent ce qu'ils font, ces cons...

Aziz Boucetta



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