(Billet 218) - Promotion immobilière : autant en emportent les ventes

(Billet 218) - Promotion immobilière : autant en emportent les ventes

L’un des vœux les plus chers d’un individu ordinaire au Maroc est d’acquérir son logement… C’est en général le projet de toute une vie. La personne désireuse d’acheter accomplit tout le (difficile) processus mental pour parvenir à sa décision… et là, elle se trouve entre les mains de gens véreux, âpres au gain, sans moralité, face à un Etat démissionnaire et souvent des fonctionnaires concussionnaires.

Le secteur de la promotion immobilière est pourtant l’un des plus complexes et des plus réglementés. Jugez-en… Conservation foncière, Cadastre, notaire, architecte, ingénieur, banque, municipalité, agence urbaine, préfecture… Les trois dernières administrations sont elles-mêmes sévèrement encadrées par des lois, circulaires, réglementations diverses.

Comment se fait-il alors que des gens puissent se faire escroquer, comme cela s’est passé, et continue de se produire, pour Bab Darna, après tant et tant d’affaires similaires, à Casablanca et ailleurs ? Comment le promoteur a-t-il pu construire ses logements sans préalablement avoir acquis les terrains correspondants ? Comment les fonctionnaires ont-ils pu laisser cela passer ? Résultat : Un millier de victimes grugées par le promoteur qui a engrangé quelques 400 millions de DH indus, et qui a été arrêté grâce à la réactivité de la Gendarmerie royale et à la perspicacité du parquet. Mais cela n’absout en rien « le système » marocain, gangréné par la corruption, la malversation, la prévarication et même la prédation.

L’affaire Bab Darna est révélatrice de ce véritable fléau qui touche notre immobilier, les promoteurs se sachant à l’abri ou se croyant immunisés par leur argent et leur entregent. Entre les « Terrasses de ceci », « les collines de cela », les « jardins » et autres « golfs » et resorts ici et là, c’est la Grande Arnaque qui se déroule sous nos yeux impuissants. Même les plus grands « industriels » ou « tycoons » du pays se mettent à l’immobilier, c’est si facile !

L’arnaque la plus forte est celle qui consiste, tout simplement, à prendre l’argent des avances… puis de s’en aller. D’autres promoteurs, plus mesurés, livrent à temps, ou presque, mais livrent des logements avec tellement de malfaçons qu’il arrive que l’heureux, ou plutôt malheureux, acquéreur doive procéder à des réparations ruineuses.

Et que dire de ces publicités tapageuses, où certains promoteurs osent même annoncer « prix de vente 100% déclaré » et à attirer le chaland (« le pigeon » ?) avec des « à partir de… », « très haut standing »… Il ne manquerait plus que l’on lise sur une affiche « logement avec toit ». Et le comble est que l’Etat le sait, puisqu’une étude du ministère de l’Habitat a révélé en début d’année que 78% des formes répandues de corruption dans le secteur sont le pot-de-vin (ou l9ahwa pour faire local), et le « noir ».

Qu’on se le dise : les acquéreurs sont une population « vulnérable », ayant fait confiance au service public et aux privés réglementés (notaire, architecte) pour les protéger et les prémunir contre les rats des villes. Les acquéreurs ne sont pas tous armés pour déjouer les arnaques… faisant une confiance totale aux différents services qui ponctionnent à chaque étape un peu d’argent (Conservation foncière, autorisations communales, taxe d’habitation…), mais qui ne font pas le job.

Pourquoi ne pas impliquer ces nouveaux Centres régionaux d’investissement, les fameux CRI surgis à grand renfort de pub et supposés changer la donne de l’activité économique ? Pourquoi ne pas les charger de la vérification des documents et de la régularité d’une opération immobilière à milliards, avant de l’estampiller régulière ? Cela fera certes une procédure administrative de plus, mais puisque c’est pour le bien du citoyen…

Aziz Boucetta



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