(Billet 223) - Tuez ces chiens que l’on ne saurait voir !

(Billet 223) - Tuez ces chiens que l’on ne saurait voir !

Des hommes en armes, vêtus de treillis… des bruits de coups de feu… du sang, des cris, de l’affolement, de la colère et des gens qui courent dans tous les sens… Cela se passait à Dar Bouazza, en banlieue de Casablanca, la semaine dernière. Rassurons-nous, pas de Daech ni de BCIJ, pas de situation de guerre dans cette commune chic, mais le choc des tueurs de chiens.

L’affaire a été rondement et sanguinairement menée par les services municipaux de Dar Bouazza, comme ce sont des hommes en armes qui ont été chargés de la besogne, alors le représentant de l’autorité était nécessairement averti, et posté dans le coin, visiblement gêné. Entendons-nous, il est normal, voire recommandé, et même impérieux, de « nettoyer » la ville des chiens errants, mais il y a la manière. Et cette manière, c’est la stérilisation, puis la vaccination, et éventuellement, le placement dans des chenils publics à l’écart des villes. Mais pas les abattre devant tout le monde, comme au bon vieux temps des carnages.

Et pourtant, le ministère de l’Intérieur écrit dans son rapport 2019 qu’une approche de recensement et de stérilisation avait été privilégiée, « étant donné la gravité de l’utilisation des armes à feu, ainsi que la prévention de l’utilisation de strychnine toxique pour l’éliminer en milieu urbain afin d’éviter les effets négatifs de ce produit chimique sur l’environnement ». Cherchez l’erreur, ou plutôt les errements.

Tirer sauvagement sur ces bêtes ne tient donc pas compte de l’esprit du rapport de l’Intérieur. Cela ne respecte pas non plus l’ordre public en faisant circuler des hommes en armes, utilisant leurs fusils en présence de riverains de tous les âges, surtout des enfants en bas-âge qui assistent à un tel carnage… Cela ne respecte pas enfin cette fameuse recommandation religieuse, citée dans le Coran, reprise par le Prophète et qui se résume par « الرفق بالحيوان » (douceur envers les animaux).

La mauvaise nouvelle est qu’un grand nombre d’agents d’autorité continuent de fonctionner à l’ancienne, mais la bonne nouvelle est que les riverains survoltés se sont révoltés, ont ameuté les médias et rameuté les réseaux sociaux, obligeant les snipers à douter, reculer, et s’en aller. Il faut dire qu’ils avaient pris en charge ces chiens qui vaccinés, stérilisés, empêchaient d’autres chiens de venir élire niche dans le coin et véhiculer toutes sortes de maladies, la rage n’en étant pas la moindre… La société civile contre des fonctionnaires peu civilisés… Alors, une pareille action ne pouvait se produire impunément, avec des tireurs aux allures de méchants de série B immortalisés par tous ces téléphones qui filment et photographient plus qu’ils n’appellent…

On se souvient de ces campagnes de « ramassage » de mendiants, d’enfants des rues, de prostitué(e)s, à l’approche d’un grand événement sportif ou diplomatique… on parquait alors ces gens dans des centres de rétention, le temps que l’événement s’achève et que la sacrosainte image de notre amour-propre marocain se préserve… Pour les chiens, c’est plus radical, on les abat comme des chiens, comme on dit, ici et là, et comme on fait ici et là aussi, en France, en Espagne…

Dans un pays qui se respecte, on ne ramasse pas les gens pour les déplacer, pas plus qu’on n’abat des chiens pour « nettoyer » les rues (Nador, Dakhla, Mohammedia, Fès…). Il existe des solutions civilisées et civiques ; il faut juste vouloir y penser…

Aziz Boucetta

Photo, refuge "Le coeur sur la patte"



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