(Billet 225) – Commission en mission, partis en démission

(Billet 225) – Commission en mission, partis en démission

Depuis que Chakib Benmoussa a composé son équipe, tout le monde pense à sa fameuse Commission, mais personne ne parle plus des partis, en démission, ce qui est curieux, étrange, voire inquiétant pour un pays qui se déclare démocratique. Entre les deux, seul un chiffre en commun : 36 personnes pour bien faire, et 36 partis pour ne rien faire, ou presque, sauf couiner en silence de cet ostracisme justifié qui les a frappés.

Il faut dire que cela fait deux ans que le roi leur demande gentiment de lui proposer un modèle de développement ; lui, il a joué le jeu, eux ils ont joué, et perdu.  Et de fait, dans la Commission spéciale sur le Modèle de développement – c’est son nom officiel – la caste, pardon la classe politique n’est pas représentée. Aucun leader politique n’a été désigné par le chef de l’Etat et nul ne s’en est offusqué, ou alors timidement, confidentiellement, prudemment… Il est vrai que le jeu des partis et les enjeux de la Commission sont sur deux droites parallèles.

Il est vrai aussi que si les partis multiplient les incantations aux termes laborieux, du type « développement », « digitalisation », « croissance », « implémentation », « jeunesse », « formation », les 35 pairs de M. Benmoussa sont chargés de mettre ces concepts en musique… une musique qui fera valser les partis, en décalage par rapport aux attentes des citoyens.

Pour faire simple, le spectacle qui nous est donné aujourd’hui par nos faibles forces politiques est le suivant : l’opposition essaie d’exister, en ordre dispersé. Le PPS lèche ses plaies depuis qu’il a été gentiment viré de la majorité, l’Istiqlal se plaît à cogner sur cette même majorité et le PAM se complaît dans ses luttes entre faux-frères et vrais compères se shootant à la vanité.

Quant à la majorité, ses membres, habités par l’élection de 2021, essaient tant bien que mal de cohabiter et tous se taisent, tétanisés par le rejet qu’ils sentent de la part de la population. Le PJD réunit ses instances et essaie d’unifier ses rangs, avec un Abdelilah Benkirane qui tease son retour et attise le feu. Le RNI multiplie les meetings et les discours, et court après de futurs membres, déclarant humblement 120.000 adhérents. Pas d’animosité visible, de la convivialité apparente, souvent risible, mais chacun affûte ses armes et prépare ses coups.

Or, le Maroc se clame et se proclame démocratie parlementaire, qui ne peut en principe fonctionner qu’avec des partis et un parlement. Et là, les choses deviennent illisibles, voire inintelligibles… Le développement sera modélisé par une commission d’experts sans partis, dont les conclusions, dit-on, seront consultatives pour les partis. Il ne faudra donc guère s’étonner de voir une population désemparée, qui perd encore chaque jour un peu plus sa confiance dans les institutions, et qui attend les partis au tournant des élections.

En attendant le rapport introspectif de la dream team de M. Benmoussa, les politiques multiplient en privé les reproches pour en avoir été soigneusement tenus à l’écart. Mais en véritables éoliennes s’orientant aux vents de la vraie politique, ils changeront d’avis en juin, puis certainement en juillet, quand le chef de l’Etat entérinera les conclusions de la Commission qui, de consultatives, basculeront en directives (forcément) impératives. Du moins, on l’espère…

Aziz Boucetta

 

 



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