(Billet 227) – Noble Algérie vs ignoble Gaïdistan

Si l’autisme des dirigeants politiques du monde était primé, l’Algérie aurait certainement décroché le trophée pour 2019… Aligner autant de manifestations avec autant de régularité n’est pas à la portée de tous les peuples du monde, surtout quand ces contestations font face à l’admirable constance du pouvoir militaire dans l’entêtement. Ahmed Gaïd Salah tient toujours les manettes de l’Etat, et il vient de faire un enfant…
Les Algériens sont tombés dans leur propre piège, en refusant de demander le concours ou au moins l’intérêt de la communauté internationale, à défaut de son intervention, durant cette année 2019, face à leur armée, à leur Etat, ce qui revient au même. Mais nos voisins sont fiers et, comme dans les années 60, ils voulaient régler leur affaire eux-mêmes, sans l’aide de personne. Ce que voyant, le chef d’état-major a pris sur lui d’agir comme un chef d’Etat tout court, un chef de tout.
Monsieur Gaïd Salah retourne alors sa veste avec une agilité surprenante pour son envergure, pousse Abdelaziz Bouteflika vers la sortie, garde Frère Saïd pour les besoins de la propagande, le fait embastiller, en compagnie d’une brochette d’anciens dirigeants, hier commensaux du général, aujourd’hui ses prisonniers. Puis il décrète martialement une élection présidentielle pour le 4 juillet. Cet homme a une vision totalitaire et la novlangue qui va avec.
La votation est un flop. L’Algérie est le premier pays au monde à ne pas pouvoir tenir une élection présidentielle, faute de candidats et d’électeurs. Le général râle, mais qu’à cela ne tienne… Gaïd recule pour mieux sauter, ce qui pour lui est une prouesse. Alors il saute, complote… et toussote une autre date. Ce sera le 12 décembre… Les Algériens fulminent, protestent et manifestent de plus belle, en toute beauté, avec leur inégalable humour et leur admirable persévérance. Ils ne voteront pas ce 12 décembre, mais roteront leur colère et leur mépris pour les bafouilles laborieusement lues du général peu galonné mais très ballonné.
Soudain, ce dernier a ce qui lui semble être une idée de génie : Distribuer des dizaines d’années de prison à ses anciens amis pour rendre le sourire à son peuple. Le peuple sourit certes mais ne souscrit guère… Arrive le 12 décembre… personne ne va voter, mais le général ne se soucie guère de ce menu détail. Il fait annoncer 40% de votants, soit environ 10 millions de personnes… que personne n’a vues se bousculer devant les bureaux de vote. Le résultat tombe le lendemain ; il aura fallu des trésors d’imagination aux sous-généraux pour convaincre leur champion d’attendre la fin de l’opération électorale pour proclamer le nom du vainqueur, désigné par les bottes militaires bien avant le vote populaire.
Abdelmajid Tebboune est donc élu ; Sonnez tambours, résonnez trompettes, le divin infant est né ! Il avait le choix douloureux entre la présidence militaire ou la résidence pénitentiaire. Et pour faire bonne figure, dans ses deux premiers discours, il réussit la prouesse d’attaquer le président français Macron et de s’en prendre encore au Maroc… Il ignore en effet la main tendue de Mohammed VI, tout effrayé qu’il est par la corde du pendu du général Gaïd.
N’ayant jamais vraiment lu dans sa vie et comme le bon faucon de qualité supérieure qu’il est, Ahmed Gaïd Salah ignore ce que sont la dynamique des peuples et la logique révolutionnaire. Pour lui, la vie se résume à faire ripaille avec ses amis et à user de la mitraille contre ses ennemis, ses propres concitoyens. Amis Algériens, soyez prudents ! Quant à vous, Boudiaf, Aït Ahmed, revenez, les généraux sont devenus fous !
Aziz Boucetta