(Billet 228)– Et si Benmoussa et sa commission lorgnaient vers la constitution ?

La Commission Benmoussa doit réfléchir sur les voies impénétrables du développement de ce pays ! Tout, ou presque, a été tenté, et tout, ou presque a fait pshiiit. Chakib Benmoussa et ses experts devront aller au fond des choses pour lutter contre la sinistrose et nous sortir quelque idée grandiose pour peindre notre venir en rose. Or, notre sous-développement ne vient pas seulement de l’économie et du social, mais de la politique aussi…
Le problème du Maroc est d’être sous-développé, et quand on est sous-développé, c’est qu’il existe d’abord et avant tout, au-dessus de tout, un problème de ressources humaines, si l’on devait comparer le pays à une entreprise. Une entreprise qui réussit est le fait de son personnel et de ses dirigeants, les deux étant indispensables à la bonne marche de l’ensemble, et il en va de même pour une nation.
L’éducation est certes (ou devrait être) la pierre angulaire de la Commission Benmoussa, qui abrite des spécialistes connus, reconnus, ou même méconnus, de la politique éducative. On peut ainsi soutenir, sans grand risque d’erreur, que si la question de l’éducation est réglée, le reste coulera de source… Comment la régler, cette problématique, en proposant des idées audacieuses ? Telle est la grande question. Et si des solutions sont apportées, cela indiquera en creux l’inutilité du grand Conseil de l’éducation… mais ceci est un autre problème.
A supposer maintenant que le modèle qui sera proposé soit un modèle du genre, il faudra le mettre en pratique. Mais on dit la Commission Benmoussa consultative. Certes, elle l’est, mais auprès du chef de l’Etat… et si celui-ci entérine ses conclusions et en fasse état lors de son discours du Trône (le timing imposé à Benmoussa et ses 35 pairs est conçu pour cela), par le jeu de la tradition, elle deviendra impérative. Il faudra alors le personnel politique pour la mettre en œuvre.
Il appartiendra donc à la Commission Benmoussa, qui dit agir sous le toit de la constitution, de proposer également, et surtout même sans doute, une révision de la constitution. Le roi a demandé un modèle de développement, depuis deux ans… puis le roi, de guerre lasse, a mis sur pied une commission pour l’élaboration de ce modèle… et le roi est, de par la constitution, le garant du bon fonctionnement démocratique… Il appartiendra au roi, donc, de désigner ceux qui mettront en œuvre les conclusions de la Commission, et vite !
Prolégomènes… Dans son communiqué d’éviction d’Abdelilah Benkirane, le 15 mars 2017, le chef de l’Etat avait dit ceci : « En vertu des prérogatives constitutionnelles de Sa Majesté le Roi, en Sa qualité de garant de la Constitution et de la bonne marche des Institutions, et de défenseur des intérêts suprêmes de la Nation et des citoyens, (…) Sa Majesté le Roi (…) a décidé de désigner une autre personnalité politique du parti de la Justice et du développement en tant que nouveau Chef du gouvernement. SM le Roi a opté pour cette Haute décision, parmi toutes les autres options que Lui accordent la lettre et l’esprit de la Constitution ».
Il serait de bon augure que la Commission Benmoussa inclue dans son rapport une dose de réforme constitutionnelle. Non seulement cela ne serait pas outrepasser le mandat qui lui a été confié (surtout si elle en reçoit l’Ordre…), mais ce serait même le cœur de ce mandat. Une démocratie a certes besoin de démocrates, mais aussi de technocrates, et parfois d’un zeste autocrate, limité dans le temps, circonscrit par les règles.
Amender l’article 47 de la constitution pour donner davantage de latitude au chef de l’Etat dans la nomination du chef du gouvernement ne serait certes pas la panacée, mais représenterait un début de solution à la crise politique qui pourrait advenir dans deux ans, lorsqu’il s’avérera problématique de former une majorité gouvernementale à même de respecter à la fois l’esprit de la constitution et les conclusions de la commission Benmoussa, si tant est qu’elle propose un modèle hardi…
Aziz Boucetta