(Billet 230) – Mais pourquoi ont-ils donc si peur ?

L’une des qualités premières d’un personnage politique est le courage, dit-on… Le courage de ses opinions, l’audace dans ses actions, parfois même la témérité dans ses prises de position. On dit cela, certes, mais on ne le voit pas, ou alors si peu, ou bien en étant peu exigeant. A tel point que quand on avise un politique faire ou dire quelque chose considérée comme hardie, on a presque envie de l’enlacer et l’embrasser.
Admettons-le d’emblée… le courage politique s’estompe à mesure que les années avancent. Ici et ailleurs. Question de niveau des personnels politiques et de leur stature, de leur envergure. Las… aujourd’hui, le pouvoir plaît tellement que celles et ceux qui y aspirent, et davantage ceux que celles, impriment une étonnante flexibilité à leur colonne dorsale, et affichent un sens du non-sens qui confine à l’art.
Avant, les politiques revendiquaient leur autonomie et leurs idéologies, et ils en avaient… mais ça, c’était avant. Les Ben Barka, Yata, Boucetta, Bouabid et d’autres sont morts sans laisser de descendance. Aujourd’hui, les dirigeants politiques piaffent autour du chef, font leurs ses positions, endossent ses habitudes, reprennent son langage et apprennent son vocabulaire, souvent maladroitement, quelquefois risiblement… Entre le labeur et la peur, ils privilégient la seconde, et font croire au premier. L’essentiel est de durer le plus et d’endurer le moins. Endurer quoi ? Une colère, un désaveu, une remontrance qui peut, selon eux, dans leurs frayeurs et leur effroi, leur faire perdre leurs importances, et leurs sinécures ! Et du service du peuple, ils n’ont cure, présentant toujours comme l’expression de la vérité ce qui en est l’exact contraire.
Or, aujourd’hui, le bon peuple parle, s’exprime, s’énerve, invective, franchit par les larmes et la sueur les limites jadis tracées au rouge sang… Par la vidéo ou le tifo, par la chanson ou par le Verbe, le peuple dit ses peines et hurle ses colères. Vertement et ouvertement. En face, nos dirigeants politiques et administratifs ont peur, et dans leur action, baignent dans la torpeur, se déclarant triomphalement "exécutants".
Est-ce pour faire semblant qu’ils ont été choisis ? Est-ce pour éternellement défendre le chef qui ne leur a rien demandé qu’ils sont là ? Est-ce pour faire de l’enfumage diplomatique qu’ils ont été désignés ? Est-ce pour rosir ce qui est noir et ne pas noircir ce qui l’est qu’ils ont été appelés ? Est-ce cela que leur assène le chef de l’Etat de discours en messages, de communiqués en recadrages ? Eux, préfèrent se taire, pensant ainsi complaire. Et quand d’aventure ils parlent, ils mettent le « off » en surchauffe et ânonnent de rares « on ». En voulant trop servir, ils en deviennent serviles, au risque de desservir. A force de porter son chef aux nues, on le met trop souvent à nu.
Un chef (d’Etat ou d’autre chose) a besoin d’une communauté charismatique qui porte sa vision, qui l’explique et l’applique, le buste droit et la tête haute. Chez nous, la verticalité devient problématique et au lieu de faire, on se soucie surtout de ne pas déplaire. Parvenir en haut, toiser le monde de haut enclenche cette phobie de ne plus descendre et de tomber bien bas. Un citoyen peut devenir ministre ou décideur, mais un ministre ou décideur peut difficilement redevenir citoyen.
Aujourd’hui, le Maroc est en attente, plongé dans l’attentisme. Quand on demande, on s’entend répondre qu’ « on attend les ordres »… qui ne viendront pas car ils ont été donnés le premier jour, le jour où les heureux nommés ont juré…. Un responsable doit assumer, assurer, prendre des risques s’il le faut et les justifier quand il le faut. Un responsable, chez nous, pour que les choses avancent, doit ouvrir son esprit, son cœur et sa g*****… ou s’en aller. Nous nous en porterions tous mieux.
Aziz Boucetta