(Billet 231) – Citoyens victimes de l’immobilier et de l’immobilisme

(Billet 231) – Citoyens victimes de l’immobilier et de l’immobilisme

Que demande une classe moyenne normalement constituée ? De la quiétude, un peu de dignité, un zeste de prospérité… une vie normale, quoi… et surtout ne pas se faire dépouiller en cascade par des escrocs en série. Les gens demandent que soit protégés leurs investissements, et c’est bien le minimum dans un pays où tout est fait désormais pour qu’ils paient leurs impôts et se montrent (enfin) bons citoyens. Il ne manque plus qu’un bon Etat pour donner une bonne nation.

Dans un « bon Etat », la morale doit primer sur le reste et, à défaut, la loi doit être le toit de tout et de tous. Il est certes légitime de vouloir s’enrichir, et il est compréhensible de vouloir le faire vite, très vite, et même plus vite que les autres ; il faut être simplement doué, et ne pas basculer dans ce type d’escroqueries hurlantes qui écorchent à l’égal d’un viol en réunion.

Le secteur de l’immobilier est très réglementé, sévèrement encadré, avec une avalanche de contrôles et une foule de contrôleurs : agences urbaines, municipalités, autorités territoriales, les inévitables moqaddem et cheikh, la loi responsabilisant l’architecte, le notaire, les règles des conservations foncières… Et malgré cela, le système part à vau-l’eau… Les mauvaises langues, qui disent tellement de mauvaises choses, pourraient un jour penser à une mauvaise blague et, horreur !, peut-être même à des connivences au sein même de l’administration, au sens large…

Dans nos contrées, nombre de promoteurs semblent vivre dans un monde parallèle où ce sont leurs lois qui priment et leurs pratiques qui dépriment : logements non livrés, souvent mal livrés, matériaux de mauvaise facture et usage de fausses factures, fraude fiscale, escroqueries en écho… que le promoteur soit grand ou petit, l’arnaque est au rendez-vous ; elle est presque une seconde nature.

Voici quelques semaines, la sombre affaire Bab Darna avait éclaté, et le scandale est né des très, des trop nombreuses victimes qui ont agi en faisant arrêter l’indélicat promoteur, dans la rue. Ces derniers jours, un autre scandale menace de défrayer la chronique, celui de Saada Atlantic. Mais hamdoullah, la justice s’en est saisie, 15 ans après… et depuis, les audiences se suivent et se ressemblent, de report en report. Les juges siègent dans leur salle, les victimes assiègent le tribunal, et le promoteur joue les filles de l’air, dans un pays où 40.000 personnes présumées innocentes sont embastillées ! Pour les optimistes, c’est mieux que si c’était pire…

Faudra-t-il donc que les victimes de Saada Atlantic, qui se comptent par centaines, au Maroc et dans le monde, se fassent justice elles-mêmes, comme pour Bab Darna, en s’emparant du promoteur, pour que les autorités consentent, enfin, à embastiller l’indélicat, à lui faire rendre gorge, pour lui faire rendre les comptes et les acomptes ? Faudrait-il que, dans le plus total respect de la toute nouvelle indépendance de la justice, le chef du gouvernement en touche un mot à M. Abdennabaoui, un homme dont l’intégrité n’a d’égale que la densité des affaires à gérer et la quantité des magistrats à éperonner pour qu’ils se mettent en mouvement ? Faudrait-il attendre encore que, comme pour Madinat Badis en 2014, le chef de l’Etat réagisse ? Sans doute faudrait-il donner l’exemple, un jour, fermement, rapidement…

Là, il n’est question ni de modèle de développement, ni d’inflation, ni d’éducation, mais simplement de justice, d’application de la loi, d’équité… de respect, quoi ! Des citoyens en insécurité sont des citoyens en colère et des citoyens en colère alimentent les mécontentements et favorisent leur convergence, comme disent élégamment nos amis Français… Y a-t-il un Etat, une justice, pour rendre justice aux victimes d’injustice ? De cette question, et de sa facile réponse, dépendra l’avenir de ce pays…

Aziz Boucetta



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