(Billet 233) – D’une décennie à l’autre, d’une Commission à l’autre…

(Billet 233) – D’une décennie à l’autre, d’une Commission à l’autre…

20 ans de règne… deux décennies, et voilà la troisième qui commence. Qu’on le veuille ou pas, en bas, beaucoup de choses ont été réalisées, et qu’on l’accepte ou non, en haut, beaucoup reste à faire. Aujourd’hui par rapport à hier, le Maroc a considérablement avancé, mais aujourd’hui par rapport à demain, il se laisse devancer. Comme pour les entames des deux décades passées, il est nécessaire de réfléchir, et comme avant, un aréopage d’experts a été désigné à cette fin.

Au début des années 2000, le Maroc sortait d’une apnée hassanienne avec ses oh ! et ses bas, ses combats, ses faucons, ses faux-culs et ses culs-de-basse-fosse. Les gens, comme on disait alors, avaient peur du roi, davantage que de l’avenir. Quand Mohammed VI est arrivé, il fallait tuer la peur et lancer une nouvelle ère, avec moins de pauvres hères et plus de milliardaires, si possible solidaires. L’Instance Equité et Réconciliation était née… Pour la réconciliation, c’était presque gagné, mais pour l’équité, au sens global, il fallait attendre encore un peu. On attend toujours un peu…

Les années 2010 furent entamées par un mouvement d’humeur, très opportunément appelé Mouvement du 20 février. Les peuples arabes voulaient tout jeter, et avaient de fait tout jeté, avec une inégale férocité, bébés et eau du bain à égalité. Au Maroc, on voulait simplement se projeter dans l’avenir. Commission, donc, la Commission de révision de la constitution. Les « 19 » ont fait ce qu’ils ont pu et, globalement, nous ont proposé une bonne constitution, votée à presque 97,58%, sans contestation. Ce qui est important.

Arrivent les années 2020, le mouvement d’humeur est devenu mouvement de colère, avec une nouvelle génération, un nouvel état d’esprit, une classe dirigeante qui avance en âge, et des défis locaux et mondiaux à relever. Le roi appelle à une commission pour développer une vision du pays, de préférence originale et résolument hardie… Silence sépulcral national de deux ans, puis la Commission naît, pour un modèle de développement. 36 personnes sont là pour noter ce qui n’est pas bon, et le dire, puis proposer ce qu’il faut pour y remédier durablement, et l’écrire.

Curieuse et étonnante coïncidence : du temps de chacune de ces commissions (ou instance), un journaliste a été arrêté et immédiatement embastillé : Ali Lamrabet en 2003, quelques mois avant la mise en place de l’IER, puis Rachid Niny en 2011, en pleine action de la Commission pour la constitution, et aujourd’hui Omar Radi, alors que la CSMD entame son œuvre. Dans les trois cas, les délits commis étaient avérés (outrage ou diffamation), mais dans les trois cas, les peines étaient disproportionnées, et la prison totalement inutile… Cette fois, en 2019, il en va différemment car trois membres de cette Commission ont mis une cagoule à leur droit de réserve, le temps d’exprimer leur avis, opposé à l’arrestation de M. Radi.

Certains le leur ont reproché, et ils ont tort, car dans le « cahier des charges » des 36, cette phrase du discours royal : « Nous attendons de cette commission qu’elle remplisse son mandat avec impartialité et objectivité en portant à Notre connaissance un constat exact de l'état des lieux, aussi douloureux et pénible puisse-t-il être. Elle devra aussi être dotée de l’audace et du génie nécessaires pour proposer des solutions adaptées », et du communiqué les désignant : « La Commission devra s’atteler dès à présent à examiner avec franchise, audace et objectivité l’état des lieux au vu des réalisations du Royaume ».

Comme l’Instance Benzekri et la Commission Menouni, la commission Benmoussa bénéficie de la confiance du chef de l’Etat, de la reconnaissance des institutions et d’une large sympathie au sein de l’opinion publique. Qu’elle communique est une bien belle chose, et elle le fait, mais que ses membres interviennent en émettant un avis personnel lors de turbulences est encore meilleur, peut-être même souhaitable, et certainement inédit. Il est donc permis de nourrir quelque espoir, en ces temps de doute et, disons-le, d’inquiétude.

Aziz Boucetta

 



Articles Similaires



Les plus populaires de la semaine

Vidéos de la semaine




Newsletters