(Billet 234) – Tour d’horaison pour 2019

(Billet 234) – Tour d’horaison pour 2019

2019 s’achève… On en retiendra essentiellement la grosse méprise de celles et ceux qui, voici un an, nous l’avaient souhaitée bonne et heureuse. 2019 ne fut ni une bonne ni une heureuse année au Maroc. Entre vaines admonestations, cruelles illusions, éternelles arrestations et sempiternelle procrastination, nous avons été gâtés en grandes déceptions.

Les Assises

Les gens de chez nous aiment s’asseoir, et en cette année bénie 2019, ils se sont copieusement assis pour cogiter, agiter de grandes idées et s’agiter autour. Cela a donné des Assises en généreuse quantité… les Assises de l’agriculture, puis les Assises de la fiscalité, et ensuite les Assises de la culture, d’autres Assises pour développement humain, sans oublier les Assises de la régionalisation, même avancée… on en oublie certainement, mais on en conclut qu’un Marocain accompli est un Marocain assistant, assis, à des Assises. D’importantes gens y croisent des gens bien portants, pour échanger des idées d’importance et des idéaux porteurs, le tout sans aucun apport, ou presque.

Les médecins

Ils ont fait de longues études, il est donc normal à leurs yeux d’avoir des comptes bancaires aux soldes positifs aussi longs. Les impôts empêchent ce noble dessein, il ne faut donc pas payer d’impôts ou alors le minimum. Et si l’Etat ou ses représentants s’en offusquent, les médecins les brusquent. Les médecins ont attendu longtemps avant de devenir des machines à sous, alors en réaction, une grande majorité d'entre eux font attendre les gens en leurs salles d’attentes bondées et font attendre aussi le fisc pour lui verser une symbolique obole. Le serment d'Hippocrate revu en mode technocrate.

Les partis… en fumée

Les partis, en cette belle année 2019, sont partis… en fumée. Mais grâce à Dieu, ils vivent encore, puisqu’ils parlent. Le PJD, au bord de la crise de nerfs, profite du métier de son chef, psychiatre de son Etat et second personnage de l’Etat (en principe), pour s’en remettre. L’Istiqlal, parti de la bourgeoisie instruite, est dirigé par un homme instruit à la langue de bois, qui aspire à reconstruire son temple et à construire l’avenir en invoquant le passé. Le RNI réunit les riches qui, réunis, ne seront jamais aussi riches que leur Très Admirable Leader.  L’USFP est écrasée, ploie sous le poids de son chef qui dit vouloir partir mais qui est parti pour rester. Le PAM est l’onomatopée d’un coup de poing (ou de feu), que ce parti semble avoir reçu à sa naissance et qui le maintient toujours groggy…

L’immense salle d’attente

2019 est l’année de l’attente… attendre d’introuvables solutions pour l’éducation, attendre d’hypothétiques bons résultats au foot, attendre d’adhérer à la très fermée CEDEAO, attendre de connaître le nom du prochain incarcéré, attendre le miracle du remaniement, attendre le cénacle de la Commission de développement, attendre des jours meilleurs en passant des nuits de frayeur… Attendre la joie et dans l’attente, tendre l’autre joue…

Le remaniement

Il a eu lieu. On pouvait faire mieux.

Le Sahara

De tables rondes en rondes diplomatiques, de subite démission d’émissaire de l’ONU en futiles missions de janissaires du Polisario, de fermeture de frontières au nord en ouvertures consulaires au sud, de la bonne humeur d’Ivanka à la tiédeur de Le Drian, l’affaire du Sahara avance cahin caha, cahotant sur les incertitudes algériennes et crapahutant sur les certitudes de Nasser Bourita. Mais elle avance…

Dame Justice

Elle est aveugle, comme on dit, mais le problème est que quand on abat son glaive en n’y voyant rien, cela fait quelque dégât et cause quelque dégoût. Quatre journalistes sont condamnés à la prison avec sursis pour avoir dévoilé un truc de parlementaire, mais des parlementaires siègent bien qu’ils aient été condamnés à de la prison ferme. L’affaire Hajar Raïssouni nous rappelle notre devoir de s’alarmer pour le droit de s’aimer… Deux artistes chanteurs accusés de viol de la vie personnelle et de viol tout court sont en liberté alors qu’un journaliste a passé 5 nuits au cachot pour ne pas avoir tu sa colère dans un tweet plutôt ancien… Des promoteurs immobiliers bandits de grand chemin sillonnent paisiblement les routes de l’heureux royaume pour détrousser leurs prochains sans que la justice ne pense à lancer la maréchaussée à leurs trousses… « Selon que vous serez puissant ou misérable… », Dame Justice devrait aller boire un peu d’eau de La Fontaine.

Le sport

Jadis, le Maroc brillait au firmament de l’athlétisme mondial et le Maroc disposait d’une équipe de football nationale qui ressemblait à une équipe de football nationale. Aujourd’hui, nos athlètes pourraient raisonnablement briguer du bronze dans un championnat maghrébin, et sans même se doper… quant au foot national, en dehors des merveilleux tifos, il a tout faux. Et pourtant la solution existe : puisque nous avons des joueurs nés et évoluant à l’étranger, puisque nous avons des coachs étrangers, la panacée serait un président de fédération étranger ou né et formé à l’étranger. Etrange…

La commission Benmoussa

La lumière viendra, nous dit-on, de ses 36 membres. Le Maroc sera désormais éclairé de 36 chandelles. Une fois ses conclusions rendues, la Commission hissera haut son pavillon, le pavillon 36 ! Dans l’attente, M. Benmoussa et ses experts écoutent. Formons le vœu qu’ils seront écoutés à leur tour, ce qui signifiera que les mandats politiques devront immanquablement être écourtés (on y reviendra).

 

Seul notre intrépide chef de gouvernement considère que tout va bien Madame la Marquise, alors que l’ambiance est aussi froide qu’une banquise. Pour lui, le Doing Business est bon, et cela suffit à chanter « Y a d’la joie ». Les gens partent et reviennent rarement, et ceux qui restent piaffent de les rejoindre ; ceux qui veulent s’incruster prennent le risque d’aller en prison… et en politique, on ne sait plus trop qui fait quoi…

Si l’année qui vient est celle où les choses se clarifient, où les 36 transgressent les tabous, où les absents reviennent et où les politiques fassent montre d’intelligence en respectant celles des gens, alors nous mériterions un 20/20 !

Aziz Boucetta

 



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