(Billet 251) – La préoccupante diplomatie de M. Bourita

(Billet 251) – La préoccupante diplomatie de M. Bourita

Il est rare que l’on ait eu au Maroc une diplomatie plus active, offensive, voire même agressive qu’aujourd’hui. Le royaume est sur tous les fronts, réchauffement, développement, Sahara, crises régionales et présence continentale… Mais depuis quelques temps, et bien que le fond y soit, des signes préoccupants interpellent sur la forme que prend notre diplomatie.

Toutes les diplomaties conquérantes dans le monde de ces dernières décennies ont marché sur deux jambes, un appareil diplomatique en confiance et une confiance dans les médias. Toute autre politique serait vouée au pire à l’échec, au mieux au feu de paille médiatique. Aujourd’hui, au Maroc, la diplomatie, bien qu’offensive et intrusive, n’est portée que par la seule volonté du ministre et sa portée se réduit à sa seule action. Rien ne filtre, hormis une communication orientée, fondée sur l’image et l’élément de langage.

Les consulats ouvrent en cascade à Laâyoune et Dakhla… Il s’agit de la question du Sahara, mais l’opinion publique, à travers les médias, serait bien plus mobilisée si des explications lui sont apportées sur la stratégie en amont qui semble avoir été conçue. Par ailleurs, décider des frontières maritimes est certes louable, mais prendre le risque de brusquer et offusquer notre principal voisin et notre premier partenaire commercial est inutile.

L’absence de Rabat à la conférence de Berlin sur la Libye est un camouflet, dont le ministre a fait une affaire personnelle, sans doute pour masquer un sérieux revers, conduisant le roi Mohammed VI à s’engager personnellement en multipliant les contacts (avec Emmanuel Macron, avec MBZ) pour contourner ce revers. De même que pour l’adhésion à la Cédéao ou la construction du gazoduc Nigéria-Maroc, deux projets majeurs initiés par le chef de l’Etat en personne, plus rien n’est dit sur ce qui est fait, ou non.

Pas de communication donc, en dehors de celle décidée par le seul ministre, avec communiqués étroits et clichés froids. Depuis la brutale éviction de la directrice de la diplomatie publique, le ministère est peuplé de diplomatés. Le silence est désormais roi et l’effroi règne. Comment porter haut et fort la parole de la diplomatie quand on a peur ? Comment les diplomates pourraient-ils prendre des initiatives sans craindre un autre coup de sang du ministre qui, si tous lui reconnaissent sa maîtrise technique des dossiers et des moindres arcanes de son ministère, ne pourrait jamais diriger la diplomatie à lui seul, et être efficace. Metternich et Talleyrand, c’est fini !

Depuis l’année 2000, les ministres technocrates ou politiques qui ont dirigé la diplomatie ont su faire l’équilibre entre la discrétion obligée pour ce domaine réservé du chef de l’Etat et la communication obligatoire avec les médias, alternant les off et les on. Aujourd’hui, M. Bourita fait cavalier seul, mais sans avoir pour cela l’aura d’un Balafrej, d’un Laraki, d’un Boucetta ou encore d’un Filali. Or, vouloir servir la diplomatie et sévir contre les diplomates desservira, à terme, notre diplomatie qui a connu un grand sursaut ces dernières années. Berlin en est un exemple frappant et préoccupant.

Aziz Boucetta



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