(Billet 252) – Les banques vont, enfin, banquer…

(Billet 252) – Les banques vont, enfin, banquer…

Le coup de semonce était rude et le boulet n’était pas passé loin, mais les banquiers – puisque c’est d’eux qu’il s’agit – comprennent plus vite qu’ils ne prennent, et calculent encore mieux. Il faut dire que cela fait plusieurs années qu’ils ont (ou disent avoir) lancé des actions en faveur des jeunes et/ou nouveaux entrepreneurs, mais personne ne s’en rendait vraiment compte en regardant ses comptes. Cette fois, cela a l’air d’être sérieux car l’heure est grave…

Sérieux et graves, comme l’étaient les visages des personnes présentes lors de l’audience royale dédiée au sujet, solennité en sus. On a toujours le visage grave et sérieux quand on est face à un chef d’Etat, mais hier, le sérieux et la gravité étaient encore plus marqués ! Il s’agit ni plus ni moins que de lancer enfin l’entreprise marocaine, essentiellement jeune et principalement petite.

Imaginez… 200.000 entités, 95% du tissu économique, plus de 40% de la valeur ajoutée produite, 50% des investissements, 55% de l’emploi, c’est cela la PME au Maroc ; et comme tout le monde ne peut être champion national, plus ou moins dopé, c’est la PME, voire la TPE, qui reste à la portée des Marocains désireux de s’en sortir sans s’en aller.

Au Maroc, lorsqu’on n’a pas eu l’heur d’hériter ou le bonheur d’avoir gagné à la loterie, créer une entreprise est une activité mortifère. La létalité des entreprises marocaines est bien connue, même si elle n’est reconnue que du bout des lèvres par nos Chers Dirigeants. En effet, on a beau faire, on a beau dire, on ne peut que difficilement s’ébaudir face aux conditions de travail, létales, des entrepreneurs : les fonctionnaires sont indifférents, le mode d’accès au financement est effarant, et l’entrepreneur en herbe est effrayé. Ajoutons à cela les charges lourdes et les marges courtes, et on comprendra pourquoi l’entreprise est en crise sous nos cieux.

Autre facteur, la prise de risque est strictement prohibée chez nous. Chez nous, une personne fortunée était appelée « tajer », et l’infortuné « snay3i » n’était pas reconnu pour ce qu’il était, un industriel en herbe… En bons Arabes et Imazighen que nous sommes, nous avons un faible pour les activités facilement réalisables et rapidement rentables, comme le commerce ou, pour les plus intrépides, la promotion immobilière. Et les banquiers, excepté peut-être le Crédit Agricole et dans une moindre mesure Attijari, ne dérogent pas à la règle : « réalisation facile et rentabilité rapide ». Aussi, près de 75% des freins aux demandes de crédit TPME sont les garanties demandées et des taux d’intérêts élevés.

Le roi vient donc de sonner la fin de la récré… Il est le seul en ce pays à pouvoir réunir le (beau) monde de la finance, lui lancer « que le financement soit », et s’entendre répondre « soit. ». Il est vrai que 2 milliards de DH (bénéfice moyen des grandes banques chez nous) donnent le pouvoir de résister et dissuade les tentatives d’insister. Mais pas avec le roi qui, lui, sait… Et donc, le secteur financier deviendra moins bancal et plus bancaire.

Alors, d’un coup, les banques sont devenues plus gentilles : pas ou peu de garanties pour les demandeurs de crédits, beaucoup plus d’intérêt pour l’entreprise mais sans beaucoup d’intérêts pour ne pas la mettre en crise, l’OFPPT venant en renfort et Bank al-Maghrib en support. 6 milliards de DH sortiront de nulle part et très vite, 3 pour l’Etat et autant pour le secteur bancaire, soudain solidaire et volontaire… C’est beau, l’autorité (photo) !

Encore un effort, et le gouvernement pensera à introduire la formation à l’esprit entrepreneurial dans les cursus de l’éducation nationale, pratiquera réellement la préférence nationale des TPME dans les marchés publics, et les privilégiera dans la politique fiscale et les règlements pour les charges sociales… au lieu d’amnistier les riches ! Et si l’équipe de M. Elotmani veut vraiment bien faire, elle pourrait également s’occuper des délais de paiement, source importante de mortalité des entreprises, et ne pas se contenter de publier avec autosatisfaction des chiffres qui ne signifient rien.

C’est cela, favoriser la PME, le financement, mais aussi l’amélioration réelle de l’environnement. La Commission spéciale vient de recevoir un sérieux coup de main de Mohammed VI car on peut douter que les banques se soient montrées aussi conciliantes avec M. Benmoussa quand elles l'ont rencontré...

Aziz Boucetta



Articles Similaires



Les plus populaires de la semaine

Vidéos de la semaine




Newsletters