(Billet 260) – Pendant ce temps-là, la Commission…

(Billet 260) – Pendant ce temps-là, la Commission…

Les jours passent et se ressemblent, ou pas… L’entreprise est à l’honneur et reçoit toutes les faveurs, Agadir se réveille de sa torpeur, le Maroc se défend contre le deal du siècle avec plus ou moins de bonheur… et pendant ce temps-là, la Commission Benmoussa est lancée à toute vapeur et poursuit son labeur. Et comme convenu, comme promis, communique et s’évertue à convaincre. Bilan d’étape, donc, pour dresser un état des lieux et faire au mieux.

De prime abord, ce que font les 36 membres de cette commission est élémentaire. Passer près de deux mois à « diagnostiquer » le pays pour apprendre que les gens n’ont pas confiance, que les problèmes de santé et d’éducation sont aussi coriaces qu’une bactérie… nous serions tentés de dire « tout ça pour ça ? » ! Prendre des profils extrêmement pointus pour remuer des tas de documents à la fourche et apprendre ce que tout le monde sait déjà et conteste depuis longtemps, quelle perte d’énergie et de temps ! Et pourtant…

A entendre parler MM. Benmoussa, Chami, Ksikes, Tozy, et Mme Himmich, la démarche est différente. Oui, on sait tout ça, disent-ils, mais l’entendre de la bouche même des jeunes et des moins jeunes, c’est mettre en place un processus d’appropriation de ce qui se prépare. Et ce qui se prépare n’est plus seulement un modèle de développement mais bel et bien un nouveau projet de société. Jusque-là, des gens aussi savants qu’énervants cogitaient beaucoup, lisaient plus, et nous pondaient des rapports longs comme des vies sans espoir.

Aujourd’hui, d’autres gens tout aussi savants montent au créneau, mais avec une méthodologie différente. On implique tout le monde, et on met les moyens pour cela, une plateforme digitale interactive pour déverser aussi bien les propositions, car il y en a, que le courroux, et il y en a encore plus… des ateliers de discussion et d’experts pour une sorte de brainstorming, car nul n’a le monopole de la solution… des rencontres labellisées, avec des structures associatives ou autres qui mènent des projets sous couvert de la CSMD, d’où la labellisation…

Et des visites sur le terrain, lors desquelles les 36 ont entendu des choses terribles, voire même horribles… florilège : « Peut-on rêver de rêver ? Donnez-nous l’envie de rêver »… « On veut parler, nous exprimer, mais on ne nous a jamais laissés »… « Mes enfants, je veux les faire ailleurs qu’ici ». Eprouvant, émouvant !

Deux mois après son installation, la Commission a su convaincre, mais il en faut plus pour vaincre. L’espoir point, mais le désespoir n’est jamais loin. Comme le souligne à juste titre Ahmed Reda Chami, on a identifié les problèmes et on connaît leurs solutions, le travail ayant déjà été fait, mais aujourd’hui, il importe que les gens soient impliqués dans le processus d’élaboration de ce projet de société pour le faire aboutir. Et il semblerait qu’ils le soient.

Il reste la grande question, celle qui taraude tous les esprits et effleure toutes les lèvres : Et après ? Cette commission a fait naître d’immenses espoirs au sein de la société, face à des élites qui se délitent et dans un système qui, il faut le dire, périclite. Qui, alors, pour tenir le gouvernail de la mise en œuvre d’un rapport livrable en pleine période électorale ? L’écart est grand, immense, cosmique, entre la confiance placée dans cette commission « de la dernière chance », et des personnels politiques qui s’agitent toujours aussi inutilement, plus futilement que jamais.

A quoi bon faire naître tant d’espoirs, pour les confier à une classe politique qui gagnerait à se renouveler mais qui ne semble pas en prendre le chemin ? Un paquebot a des règles de navigation, mais par temps orageux, quand la mer est démontée et les passagers remontés, le commandant range les cahiers de procédures et prend le gouvernail, le tient fermement, avant de le repasser à un quelconque second quand l’orage est passé…

Aziz Boucetta



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