(Billet 274) – La diploMAECI parallèle

Diplomatie et Affaires étrangères, quelle est la différence ? Globalement, la diplomatie est la définition de la politique étrangère d’un Etat, et le ministère des Affaires étrangères est en charge de sa mise en œuvre. Mais cela, c’était avant… Aujourd’hui, dans notre monde complexe où un nombre croissant de facteurs s’intègrent et s’impliquent dans le jeu diplomatique, d’autres acteurs apparaissent dans ce qu’on appelle désormais la diplomatie parallèle.
Universités, parlements et partis, syndicats, ONG et grandes entreprises, think tank… Tous ces organismes œuvrent au rayonnement de leurs pays et, si besoin est, à la médiation et/ou la résolution de conflits qui impliqueraient leur Etat, quelle qu’en soit la nature. Cela se déroule ainsi dans tous les pays du monde, mais un peu mieux dans d’autres. Le Maroc en fait partie.
L’émergence de cette forme de diplomatie dans le royaume est bienvenue car si, dans un ailleurs meilleur, diplomatie parallèle et diplomatie tout court travaillent de concert, au Maroc, il peut survenir que le ministère des Affaires étrangères considère la diplomatie parallèle comme une concurrence, et il est prouvé que personne n’aime la concurrence.
Quand Maroc Telecom ou Attijariwafa bank s’activent sur notre continent africain, c’est de la diplomatie parallèle, économique… Quand les députés, soudain éveillés, visitent ou reçoivent leurs homologues étrangers, c’est de la diplomatie parallèle, parlementaire… Quand un syndicat local accède à une fonction importante au sein d’une confrérie internationale du travail, c’est de la diplomatie parallèle, syndicale… Il en va de même pour l’université, les festivals, le scoutisme…
Dans notre monde actuel et aujourd’hui sans doute plus que jamais, tout est politique, en dépit de l’apparente pluralité des champs d’action séparés et des intérêts divergents. La décision politique, qui détermine à intensité variable le reste, est le résultat d’un faisceau convergent d’idées elles-mêmes émanant d’un réseau compact de gens d’influence. C’est à la qualité des relations entretenues avec ces derniers, non nécessairement leaders d’opinion mais certainement influenceurs de décisions, que l’on mesure l’efficacité de l’action des think tank.
Au Maroc, ces organismes sont apparus dans les années 2000, les uns développant des plateformes d’analyses et de propositions pour les politiques publiques internes, d’autres projetés vers l’étranger et les relations internationales. Parmi ces derniers, Policy Center for the New South (PCNS), créé en 2014, et dans une nettement moindre mesure Amadeus (2008)… PCNS est présent sur tous les continents, aligne une armada d’intellectuels et ex (très) hauts fonctionnaires, tous chercheurs fort expérimentés, tous produisant régulièrement et massivement des travaux d’analyse et de prospective, et tous – convaincus de leur non-immortalité – en charge de la formation de chercheurs plus jeunes.
Récemment, au Forum de Bamako, le PCNS était fortement représenté pour expliquer la politique marocaine de régionalisation. L’ambassade s’est greffée sur l’événement et l’expérience marocaine, en dépit de ses imperfections, a pu être exposée, débattue, prise comme modèle. Pendant ce temps-là, d’autres chercheurs parcourent en permanence l’Afrique et ailleurs.
Existe-t-il des liens entre le ministère des Affaires étrangères et ces think tank ? Dans quelle mesure ces organismes apportent-ils les fruits de leur recherche et leurs expertises à la diplomatie nationale ? Il semblerait que sur ce plan, les choses soient perfectibles, ce qui est regrettable car la réflexion et la prospection (pour les think tank) et l’action (pour le ministère) devraient aller de pair. Contrairement à son nom, la diplomatie parallèle peut, doit, croiser la diplomatie officielle.
Aziz Boucetta