(Billet 276) – Politique, les forces en présence… et les absences

A un an des élections – si bien évidemment le timing en est respecté – l’échauffement peut commencer, car les acteurs du grand show qui se prépare sont là. Et plus que de coutume, le jeu s’annonce trouble par l’actuelle conjoncture, avec des acteurs troublés par les nombreuses conjectures. On ne sait pas trop qui est avec qui, contre quoi, pour faire on ne sait trop quoi… Cette fois, la donne a changé…
Le quatuor de tête des partis, pour respecter l’ordre numérique actuel, reste pour sa part inchangé : PJD, PAM, Istiqlal et RNI. Mais c’est à l’intérieur de ces partis que les choses ont beaucoup évolué. De la dernière élection à aujourd’hui, ces quatre formations ont toutes changé de patron. En 2016, MM. Benkirane, El Omari, Chabat et Mezouar étaient à la manœuvre ; en 2021, ce seront MM. Elotmani, Ouahbi, Baraka et Akhannouch qui mèneront la bataille, laquelle s’annonce rude.
En 2016, deux partis sortaient du lot, le PJD et le PAM. En 2021, l’ambition s’est démocratisée, car tous proclament leurs compétences, piaffent d’impatience et se répètent dans leur in petto et ad nauseam, qu’ils ont leur chance. Tous fourbissent leurs armes et s’estiment aptes à enlever la pole position, même en faisant pâle figure.
Autre différence de taille… le recul des populistes très démagos et parfois rigolos, à l’exception peut-être d’Abdellatif Ouahbi qui arrive au galop, chevauchant les plaines arides de savoir mais avides de pouvoir de son parti. Son ennemi déclaré est le RNI et son adversaire personnel est Aziz Akhannouch, contre lequel on a récemment fait circuler la rumeur de la démission/révocation, sachant qu’aussi bien la révocation que la démission serait une grave erreur car le RNI est aujourd’hui, et pour la première fois de son histoire, en mesure d’aspirer à la chefferie du gouvernement. L’union sacrée contre M. Akhannouch, attaqué de partout et par tous, le prouve.
La logique aurait voulu une fusion entre RNI et PAM, deux partis d’inspiration libérale, de composition bourgeoise et de création, origine et objectifs similaires. Ils peuvent, auraient pu être, complémentaires s’ils n’avaient été adversaires et leur union aurait pu leur faire atteindre la masse critique qui les rendrait difficilement battables. Las… leur mise en concurrence et même leur animosité affaiblira leur camp pourtant commun, au grand avantage du PJD.
Le PJD de M. Elotmani ne se réclame plus de cet islamisme politique dépassé, mais d’un « islamisme social » fondé sur l’action en profondeur de son MUR et de ses maires. Pendant que M. Ouahbi essaie de faire du Benkirane et roule pour lui-même et que M. Akhannouch tente de se défendre contre les coups venus de toutes parts, le PJD du trop souriant et faux gentil M. Elotmani trace son sillon…
L’Istiqlal de Nizar Baraka s’accroche des mains et des pieds pour remonter la pente du ravin dans laquelle l’avait plongé Hamid Chabat. Mais le secrétaire général ne réussit pas encore à imposer son style. Calme dans un environnement turbulent, rationnel au sein d’une classe politique passionnelle, M. Baraka se lance quand même dans son chemin moins pavé de roses que gavé de prose. Faute de mieux, l’Istiqlal s’est rapproché d’un PPS en mal de vaisseau amiral auquel s’amarrer pour continuer d’exister, suite à son lâchage par le PJD post-Benkirane. Une pâle copie de l’historique Koutla apparaît…
Les autres formations politiques sont condamnées à apporter l’appoint. Même la légendaire et ci-devant exemplaire USFP ? Même elle, tant que M. Lachgar est là, et M. Lachgar est encore là… la FGD subit la force de gravitation et ne décolle pas, et le duo UC/MP fera ce qu’on lui commandera de faire.
Pour l’élection à venir, la grande inconnue politique se situe en dehors de la sphère politique. Il s’agit du très attendu rapport de la Commission Benmoussa, qui devra répondre à cette angoissant dilemme : s’il est bon, les partis seront démonétisés, et si les partis servent encore à quelque chose, c’est que forcément le rapport n’aura pas été à la hauteur des espérances.
Qui résoudra cette équation ? Le Roi.
Aziz Boucetta