(Billet 279) – Coronavirus au Maroc… En font-ils trop ?

Le Salon de l’Agriculture a été annulé… les matchs de foot se joueront à huis-clos… le Forum Crans Montana a été déprogrammé… Plusieurs événements ont subi, ou connaîtront, le même sort. Le Maroc est confronté à l’épidémie du coronavirus, et il fait front. Deux jours après l’apparition du premier cas confirmé, le ministère de la Santé vient d’en annoncer un deuxième…
Cela justifie-t-il pour autant toutes ces annulations d’événements ? Incontestablement oui, car un individu atteint du Covid-19 peut être contagieux alors même qu’il ne présente pas encore les symptômes. C’est ce qui explique peut-être les cas des deux personnes diagnostiquées, entrées d’Italie en dépit des systèmes de vigilance et de contrôle placés aux frontières. Prendre le risque de laisser la maladie se répandre, alors qu’on ne dispose pas encore de traitement, mènerait au danger d’une propagation importante et incontrôlée, avec panique des populations et saturation des hôpitaux (déjà mal en point, mais ceci est une autre affaire…).
Le gouvernement en fait-il trop ? Très certainement oui, là encore… En France, où près de 300 cas de contamination sont déclarés, ils n’en sont qu’ « au » stade 2, celui de l’endiguement de la propagation du virus. Au Maroc, nous en sommes au stade 1, selon les normes françaises, en l’occurrence celui où le virus n’est pas encore en circulation et que seuls des cas isolés sont identifiés dans des foyers isolés... mais nous agissons déjà comme si nous étions en stade 2.
Etre prudent, c’est bien, mais être raisonnable et rationnel, c’est mieux. A supposer que le gouvernement veuille faire les choses en grand, alors il devrait prendre des mesures globales, incluant tous les lieux de promiscuité. Il a décrété les matchs à huis-clos, fort bien, mais alors pourquoi pas les écoles, les universités, les mosquées, les avions, les transports en commun, les moussems ?… Ce n’est guère rationnel car on doit réagir dans une logique de stade épidémique et pas dans un état de stress épidermique…
L’Italie, où déjà recensé plus de 100 morts et 3.000 cas confirmés, vient seulement de prendre des mesures drastiques, et l’Italie n’est pas particulièrement une nation arriérée… En France, la présidence a émis un long communiqué, où les mots « prudence » et « vigilance » reviennent en boucle, mais où l’expression « renforcer la résilience du pays afin de garantir la continuité de la vie économique et sociale de la Nation » est répétée plusieurs fois !
Et c’est là qu’au Maroc, le bât blesse ! On interdit par simples communiqués, dans la précipitation, avec un zeste d’irrationalité et une indifférence totale – pour le moment, du moins – aux conséquences économiques et donc sociales de ces mesures. L’Etat est en charge de la protection des citoyens certes, mais il doit convenir que la protection ne doit pas seulement être sanitaire, elle est également économique. Les agences de voyage sont extrêmement léses, les organisateurs des festivals perdent de l’argent car ils dont déjà investi, les clubs de foot aussi enregistreront un manque à gagner considérable.
L’Etat devrait agir sur plusieurs plans : d’abord communiquer plus et mieux que les communiqués (numérotés comme ceux, jadis, du Vietcong) du ministère de la Santé. Il devrait également produire des capsules avec un langage simple pour les gens simplistes, comme ceux qui, par exemple, considèrent que le prieur est protégé du fait de ses ablutions… Il devrait aussi insister sur l’hygiène, la retenue sentimentale des embrassades, et conseiller (gentiment et prudemment) aux croyants de prier chez eux (l’Arabie Saoudite l’a bien fait, elle…)… L’Etat devrait enfin rassurer les entreprises qui perdent de l’argent, les dédommager au besoin, les soutenir si nécessaire ou, si cela n’est pas possible, leur accorder ultérieurement des avantages fiscaux ou autres.
L’Etat marocain a très certainement pris le risque pandémique au sérieux. Il ne devrait pas croire que seul l'aspect sanitaire est suffisant car bien malheureusement, nous ne sommes qu’au début de plusieurs semaines ou mois de cette inquiétude qui augmentera au fil du temps et des statistiques pour basculer en frayeur, voire même en panique... qui frappera de plein fouet l'économie, en cette année de sécheresse. C’est cela, un Etat qui se respecte et respecte ses citoyens.
Aziz Boucetta