(Billet 281) - Et si on appliquait le "name and hshame" aux délais de paiement ?

(Billet 281) - Et si on appliquait le "name and hshame" aux délais de paiement ?

Cette question de délais de paiement est le type même de mesure publique totalement inutile mais à fort potentiel médiatique, du genre « regardez ce que nous faisons, et comment nous travaillons pour l’entreprise !». Le gouvernement s’est aperçu dernièrement que le taux de mortalité des entreprises est élevé, et que l’une des raisons principales de cette létalité entrepreneuriale est précisément le retard de paiement. On dit même que près de la moitié des entreprises ferment pour cause de ces retards.

Mais hamdoullah, la loi est là qui veille, et le gouvernement met le holà et surveille. Désormais, quand un petit patron a de grands problèmes, il saura qu’après la mort de son entité et l’évaporation de ses espoirs, l’indélicate entreprise qui devait le payer dans les temps et qui ne l’a pas fait sera sanctionnée… Redoutable consolation !

Mais à y regarder de plus près, la politique suivie en matière de sécurité financière ressemble à s’y méprendre à celle de la sécurité routière… Pour les accidents de circulation, on multiplie les réunions et les communions, on roule les mécaniques et on déroule de grandes phrases… mais rien n’y fait : chaque jour, ce sont 10 personnes qui perdent la vie. Et il en va de même pour les défauts et retards de paiement ; on légifère contre cette pratique mortifère, les grands du gouvernement grondent les glands du règlement, et on annonce des sanctions et autres punitions… et là non plus, rien, n’y fait : chaque jour, une dizaine d’entreprises trépassent.

Où se situe le problème alors ? Comme pour la conduite automobile, la conduite des affaires est question de rigueur et de constance, donc de mentalité et de culture. Lorsqu’une administration à l’effectif pléthorique tarde à payer, ou quand une entreprise prospère ne procède pas à ses règlements en temps et en heure, c’est que quelqu’un a failli, et que son (ses) supérieur(s) s’en accommode(nt).  Une loi punitive n’y fera rien, sauf augmenter le nombre des hors-la-loi impunis ! La loi n’a jamais remplacé la bonne foi !

Et comme pour les comportements meurtriers sur les routes, les habitudes tout aussi létales de procrastination financière au sein des entreprises ne sauraient être améliorées que par le biais d’une certaine brutalité réglementaire. Cloués au pilori, selon la méthode du « name and shame » ou, pour faire local, « name and hshame », sans préjudice pour les amendes, ces entrepreneurs y regarderaient à deux fois avant de dire que le comptable a perdu sa mère, ou que le client n’a pas payé, ou que le directeur est en visite chez sa fille en France, ou que « Allah ysaweb »… La procédure s’enclencherait sur dénonciation anonyme, mais documentée et prouvée.

Le grand capiterne d’industrie, qui met des millions de DH en pub pour son image ou celle de son entreprise, et le petit entrepreneur soucieux de sa réputation pour trouver des fournisseurs patients, vivraient très mal une telle mesure, qui a donné ses fruits en France et ailleurs. Et comme on copie tout de la France, nous gagnerions à reprendre à notre compte cette méthode…

Et cette méthode sert partout, en tout et contre tous ! Pour les entreprises qui ne paient pas, ou mal… contre celles qui fraudent le fisc… contre celles qui emploient en-dessous du SMIG... Et si on voulait affiner cela, connaissant le grand nombre d’entreprises dont le patron est nommé en Conseil de ministres, on pourrait appliquer un système de scoring pour ces patrons, un scoring où le civisme entrepreneurial tiendrait une place de choix…

Dans l’attente de mesures vraiment fortes et réellement utiles, les verbiages de la CGEM et les enfumages de M. Benchaâboune sur les délais de paiement continueront d’amuser la galerie et d’enterrer les PME…

Aziz Boucetta

 

 

 

 



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