(Billet 283) –Reda Allali à la CSMD : "Pour être patriote, il faut une patrie !"

(Billet 283) –Reda Allali à la CSMD : "Pour être patriote, il faut une patrie !"

Le Covid-19 avance, les prix du pétrole reculent, les économies se tassent à mesure que l’espoir trépasse, et le monde s’inquiète et s’arrête petit à petit, pays par pays, ville par ville, zanga zanga… Mais la Commission spéciale sur le modèle de développement poursuit sa marche inexorable vers la recherche de solutions à nos maux, divers, multiples, souvent impénétrables. La semaine dernière, Chakib Benmoussa et ses gens ont rencontré des leaders de la nouvelle scène artistique nationale, pas forcément jeunes, mais véhiculant des idées nouvelles, reflétant les angoisses et le mal-être des jeunes.

Les forces en présence. Côté CSMD, Chakib Benmoussa, Driss Ksikes, Karim Tazi, Mohamed Tozy et Mohamed Benmoussa. Côté « adverse » : Reda Allali (Hoba² Spirit), Younès Boumehdi (Hit Radio), Momo (L’Boulvard), Hamza Hachlaf (rappeur) et Hosni Mokhliss (L’Uzine). En dehors des deux Benmoussa, les autres membres de la Commission sont directement concernés, voire consternés, par ce qu’ils ont entendu.

Et qu’ont-ils entendu ? En gros, que dans le pays, les responsables s’ensablent pour avoir galvaudé le sens de la culture et bousculé la conscience des jeunes artistes… que l’art peut, voire doit, être insolent et impertinent… que la société n’accepte pas la différence, et juge, et condamne… et les gens de la CSMD ont également entendu ce cri sur l’impérieuse nécessité de la liberté d’expression, éloquemment transmis par Hamza Hachlaf : « Il faut que l’Etat nous foute un peu la paix », ou encore cette phrase pleine de bon sens de Reda Allali : « Pour être patriote, il faut une patrie », dans le sens d’une appartenance chez les uns et d’une reconnaissance par les autres.

Et de fait, tous les paroliers, chanteurs d’obédiences diverses et rappeurs de tendances transverses disent tout haut ce que la société dans son ensemble pense de moins en moins bas, chaque faction à sa manière, dans une extraordinaire et impertinente impénitence. Ils contestent le manque de libertés et surtout d’opportunités, critiquent les opportunistes à tous les niveaux, fulminent contre les hypocrisies.

Le Maroc a mal à sa jeunesse, et aura donc du mal à apprécier, puis négocier le tournant vers son avenir, nécessairement fondé sur la jeunesse d’aujourd’hui ! Plus grave encore est cette fragmentation de la société qui rejette plus qu’elle n’inclue, qui condamne à défaut d’apprendre et de vouloir comprendre. Les conservatismes ont la peau dure et les jeunes ont les nerfs à fleur de peau. A lire les commentaires laissés en ligne de cette séance d’écoute diffusée en live (et il faut rendre hommage à la Commission pour cela, en espérant que cela dure…), on prend la mesure du clivage social et culturel qui plombe ce pays ; insultes contre les intervenants au pire, incompréhension des propos au mieux.

La CSMD a écouté le ronronnement somnifère des partis politiques, le cliquetis sonnant et trébuchant des banquiers, l’éternelle complainte de la CGEM, les épuisantes jérémiades des médias, les infatigables revendications des gens du terroir autour de la Sainte Trinité éducation-santé-emploi… mais les plus importantes de ces séances d’audition ont concerné les jeunes : à Benguérir avec les étudiants ou à Rabat avec des gens de la culture, pas forcément jeunes mais véhiculant les idées et souffrances de la jeunesse. C’est là que le problème est et c’est là que naîtra la solution, ou s’approfondira la crispation.

Le monde change et la faille générationnelle s’y accentue. Le Maroc, malgré son insularité revendiquée et son exception tant chantée, ne fait pas… exception. La vérité sort de la bouche des enfants, dit-on… certes, mais la dure réalité suinte des cœurs des jeunes. Où on les écoute, ou c’est la déroute !

Aziz Boucetta

 

 



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