(Billet 294)– Le Covid-19 déterminera-t-il le nouveau modèle de développement ?

(Billet 294)– Le Covid-19 déterminera-t-il le nouveau modèle de développement ?

Dans le Maroc contemporain des cinquante dernières années, nous n’avons jamais connu une telle pandémie, nous n’avons jamais eu un aussi vaste confinement, où l’ensemble de la population, est concerné… L’armée est dans les rues, sur le pied de guerre, les hôpitaux sont en ordre de bataille, le gouvernement est sur le pont, la CGEM jaillit de sa tranchée… Nous aussi, au Maroc, nous sommes en guerre, et une fois cette guerre terminée, il faudra réfléchir à un modèle de développement, autre que celui qui est actuellement cogité par les membres de la Commission Benmoussa. Forcément…

Le Maroc a la baraka car la réflexion sur un nouveau modèle de développement aura finalement commencé au moment idoine. Beaucoup de rencontres, une pléthore de remarques, des virées dans tout le Maroc, des séances d’écoute qui se multiplient… Les gens de la Commission ont commencé à sa faire une idée de l’aboutissement de leur tâche quand soudain, le Covid-19 s’est invité dans la partie… puis tout a changé, et la réalité nous montre que les menaces sont désormais différentes, effrayantes. On ne parle plus maintenant de sous-développement, mais de mort, par dizaines ou même centaines, ce qu’à Dieu ne plaise…

Nous voyons aujourd’hui les dévastations que peut engendrer le manque d’éducation et nous risquons de payer le prix fort de la large ignorance de larges franges de la population. Nous observons aussi les ravages d’un système de santé défaillant. Si le Maroc officiel a été prompt à réagir et à décréter très rapidement un confinement général, c’est aussi parce que ce Maroc-là connaît la réalité des lieux hospitaliers et même l’armée, malgré ses moyens et sa bonne volonté, risque de se trouver désarmée…

Nous constatons aujourd’hui les cataclysmes que peut engendrer la mauvaise répartition des richesses et la précarité de plusieurs millions de personnes. Le Maroc est un Etat pauvre mais nombre de ses citoyens sont riches, et beaucoup d’entre eux sont dans des économies de rente ou faiblement créatrices de richesses économiques, dans un pays en détresse économique, avec 11 millions d’actifs (dont 43% de ruraux) sur 35 millions, 3,4 millions seulement d’inscrits à la CNSS, un informel que personne ne connaît vraiment et qui tourne autour d’activités plutôt vivrières, un secteur agricole contribuant pour 15% au PIB mais englobant 38% de la population…

Tout cela, la Commission Benmoussa l’a appris et on peut penser que son rapport attendu fin juin (le délai sera certainement repoussé) aurait prévu les solutions à cela et préconisé les remèdes nécessaires… Mais en dehors de la communication, tout devra être axé sur l’action, vite et bien menée…

Deux priorités devront maintenant être dégagées, et non plus en forme de souhaits ou de propositions dans un Maroc où le pouvoir prend son temps, mais comme les exigences d’une population qui attend et se tend. Le Maroc, pour survivre dans cet avenir incertain qui est désormais le nôtre, doit avoir des citoyens en bonne santé mentale et physique, c’est-à-dire que tout l’accent devra être mis sur l’éducation nationale, la santé publique et le travail de tous, pour tous, au bénéfice de tous. Un esprit sain dans un corps sain, dit-on…

Dans quelques mois, espérons peu, quand la crise sera passée, les paradigmes mondiaux auront changé, les rapports d’équilibre auront basculé, les modes de production connaîtront une rupture, et le monde sera dans le doute. Au Maroc, l’Etat devra reprendre ses droits régaliens sur la santé et l’éducation qu’il a voulu privatiser, le programme Intilaka pour la PME devra reprendre, avec moins de communication et plus d’efficacité, plus haut, plus vite, plus fort. La commission Benmoussa ne devra plus vraiment produire un rapport, mais une feuille de route, chiffrée, datée, sans trop de calculs et immédiatement mise en œuvre, avec une classe politique hardie et compétente ou sans classe politique, provisoirement…

Dans le monde qui vient et qui change, le Maroc officiel devra s’atteler à la tâche car le Maroc tout court aura montré ses capacités à la mobilisation. Il ne faudra pas attendre qu’il montre les limites de sa patience.

Aziz Boucetta



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