(Billet 302) – Le virus, comme les croyants, attend les fêtes religieuses…

« La science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle », disait Albert Einstein dont aucune personne sensée ne peut mettre en doute l’entendement… Cela signifie que religion et science sont consubstantielles l’une de l’autre. La crise sanitaire actuelle qui frappe la planète montre que dissocier la religion de la science peut engendrer des catastrophes.
En Corée du Sud, pays civilisé à la population très civique, la pandémie, sitôt arrivée, fut maîtrisée. Mais c’était sans compter avec l’Église Shincheonji de Jésus dont les membres taisent leur appartenance sectaire, refusent de se soumettre aux tests de dépistage et se regroupent par milliers. Résultat : des milliers de contaminations et des dizaines de morts.
En France, l'une des plus grandes églises protestantes évangéliques, l’Eglise de la Porte ouverte chrétienne a rassemblé fin février à Mulhouse près de 2.000 fidèles venus de partout et partis contaminer tout le monde après… Le Grand Est français est ainsi devenu un cluster important de la pandémie, qu’il a fortement contribué à répandre équitablement en France métropolitaine et dans les DOM-TOM.
En Israël, une personne hospitalisée pour coronavirus sur deux est issue de la communauté ultra-orthodoxe, qui ne représente pourtant que 10% de la population totale. Les juifs hassidiques se rassemblent à plusieurs centaines, sans mesures de précaution car, disent leurs ombrageux leaders, « Ils ne craignent que Dieu, bien plus que n'importe quelle maladie ». Funeste erreur… des centaines de contaminations et des morts en grappes.
Quant à l’inénarrable Donald Trump, sa posture religieuse masque difficilement l’imposture politique. L’esprit entièrement absorbé par sa réélection et les sens scotchés à son électorat évangélique, il a donné rendez-vous à ses compatriotes tétanisés à Pâques, pour la levée du confinement qui n’est même pas obligatoire. L’Amérique est en passe de devenir le premier foyer mondial de l’épidémie et son ministre de la Santé a autorisé des personnels soignants à refuser de traiter des patients, par (in)conscience religieuse !
En terres d’islam, très étrangement, les religieux se sont faits discrets, sans doute en raison de la nature autoritaire des régimes politiques en place. MBS n’a fait ni une ni deux, et a fermé les deux premiers lieux de l’islam. Les ayatollahs chiites privilégient désormais la précaution à la dévotion, le soin ou le vaccin au muezzin. Et au Maroc, la structure religieuse, avec commanderie des croyants et Conseil supérieur des oulémas, a ordonné la fermeture des mosquées, sans trop de contestation dans les chaumières. Les gens sortis glapir leur foi dans quelques villes ont été très largement réprouvés par l’opinion publique, et le sinistre Abou Naïm a écopé d’un an de prison pour incitation à la haine.
Aujourd’hui, nous sommes à quelques semaines du mois sacré de ramadan… Il serait naïf de croire que les croyants changeront leurs habitudes pour les adapter à la situation pandémique. Le confinement mettra les nerfs à rude épreuve et la violence conjugale fleurira, des gens refuseront de se faire dépister, d’autres s’abstiendront de prendre leurs traitements et d’autres encore voudront absolument sacrifier à la tradition des prières en groupe, agglutinées et interminables, des tarawih. Le coronavirus en a les couronnes qui frémissent…
Comme il est plus que prévisible que le confinement demeurera durant encore un temps indéterminé, une action de communication devra être lancée dès que possible. Mais si l’Etat et la société civile feront à n’en point douter leur travail, rien n’indique que les croyants s’inscriront dans la même logique. Et pourtant, il faudra bien, car si l’écrasante majorité des Marocains sont croyants, ceux qui s’estiment plus croyants que les autres n’ont pas le droit de mettre les vies des autres en péril.
Ramadan, c’est une nouvelle phase du Covid Maroc qui s’annonce. Rien n’indique qu’elle sera la plus calme… et pourtant, « la science sans religion est boiteuse, la religion sans science est aveugle ». Ne soyons donc pas aveugles à notre sort commun d’humains. Pratiquants et non pratiquants, croyants et non croyants doivent aujourd’hui croire en la science et les praticiens, et la raison doit quelquefois prendre le pas sur la foi, qui n’a pas toujours (de) raison !
Aziz Boucetta