(Billet 303) – Covid-19 – Faits, effets et méfaits du confinement

Le Maroc entame sa troisième semaine (légale) de confinement, et tout se met en place progressivement, résolument, quoiqu’avec quelques inévitables tâtonnements. Bien que le nombre des dépistages reste en-deçà de ce qu’il devrait être, selon les recommandations de l’OMS, et que donc l’effectif des personnes atteintes du Covid-19 ne soit pas vraiment significatif, on peut soutenir que la gestion de la crise est plutôt de bonne facture. Faite dans les règles de l’art, évitant les retards, cette gestion a des effets, mais engendre également quelques méfaits.
Les faits. Le gouvernement marocain a été l’un des premiers au monde à oser – oui, oser – décréter un confinement général de sa population, anticipant une vague irrésistible de contaminations. Ce confinement a été d’autant plus accepté et respecté (toutes choses étant perfectibles par ailleurs) qu’il a suivi la fermeture des enceintes sportives, des établissements d’enseignement de tous les niveaux, des lieux de divertissement et des transports publics.
Les banques et les organismes d’Etat en charge de l’entreprise sont sur le pont, essayant de tenir un gouvernail agité par temps cyclonique. Et le gouvernement semble remplacé par le Comité de veille économique au sang bleu… RNI, dont les donné la pleine mesure de sa maîtrise des arcanes financiers, économiques et politiques du pays.
Toujours en avance d’une mesure, le Maroc a également ordonné le port du masque obligatoire. Mais nous n’en n’avons pas et nous ne pouvons en acquérir à l’international, du fait de la féroce compétition que se livrent les grandes puissances. Qu’à cela ne tienne, nous les fabriquerons ! Quelques petits couacs, mais les masques seront là, et nous en exporterons même… en Europe.
Les corps médical et sécuritaire se sont mis en branle-bas de combat, en première ligne, sortis de leurs tranchées, se dépensant sans compter, comptant leurs abattis sans penser au lendemain.
Les effets. La pandémie est toujours menaçante et son pic n’est pas encore atteint. En revanche, le niveau de confiance requis pour gérer la crise est, lui, atteint. Les populations semblent s’en remettre (presque) totalement aux autorités publiques qui analysent les faits, anticipent les effets, et multiplient les actions de grande ampleur pour contenir l’épidémie dans une faible intensité.
Les médias médiatisent les consignes et les influenceurs s’appuient sur leur notoriété pour influencer les gens dans le sens de l’intérêt général. Une formidable communion s’est installée au sein de la population et un non moins extraordinaire élan de solidarité est né dans le royaume.
Pour les plus démunis, Ramedistes ou travailleurs de l’informel, l’Etat et les banques ont déployé les grands moyens, servant directement des aides aux personnes concernées, et usant de l’excellente infrastructure financière du pays.
Enfin, le Maroc se découvre des capacités d’adaptation de son outil de production. Un respirateur a été conçu par nos ingénieurs et sa fabrication à grande échelle est imminente. D’autres entreprises se sont recyclées et ont adapté leurs appareils productifs pour la fabrication de masques de protection, avec perspective d’export vers des pays (qui en sont) démunis…
Mais la plus grande chose qui s’est produite sous nos yeux et en un laps de temps très court est cette extraordinaire confiance qui s’est instaurée entre un peuple et ses gouvernants, ce qui n’était pas nécessairement acquis avant la pandémie. Le Covid-19 est très certainement hideux, mais cet effet de confiance est assurément beau, et quoi de plus beau que voir des caïds au coup de pied généralement facile troquer leur autorité pour la pédagogie ?
Les méfaits. Les bosses et les ecchymoses seront décomptées plus tard, après le déconfinement, quand on dénombrera les entreprises en faillite, les destructions en capital et les pertes d’emplois. Mais le méfait le plus important reste cette lente reprise des anciens réflexes, comme ceux de l’impatience populaire face à la mise en œuvre des mesures de sécurité (retard dans la fourniture de masques), les écrits et commentaires sur l’enrichissement prévisible des banques suite au report d’échéances de crédit, les critiques formulées à l’égard des riches donateurs sur la déduction fiscale dont ils bénéficieraient. Ce méfait à un nom : le persiflage !
Autre méfait de ce confinement, une communication très perfectible, au niveau du ministère de la Santé, au niveau de la diplomatie pour les Marocains bloqués à l’étranger, et cette nomination au gouvernement, qui s’est faite sans explication aucune, et sur laquelle on reviendra…
Mais globalement, le confinement doit être considéré comme ce qu’il est, un remède médical et/ou sanitaire, et à ce titre, il est amer, dur, rude, mais nécessaire pour une rémission générale… Et nous ne le redirons jamais assez ni suffisamment, les pouvoirs publics ont su prendre les mesures adéquates, certes anticipées mais jamais précipitées. Jamais le makhzen n’a été autant zen !
Aziz Boucetta