(Billet 317) – L’après-crise entre rigueur et vigueur budgétaire

(Billet 317) – L’après-crise entre rigueur et vigueur budgétaire

Il semblerait que la crise sanitaire dans le royaume soit bien gérée, peut-être même (un peu) maîtrisée… enfin, chacun l’espère. Mais dans cette situation, il y a un pendant, et un après, et les deux sont marqués par l’incertitude. Quand et comment sortirons-nous de la crise ? Que faire et comment le faire après ? Durant la phase du « pendant », les médecins agissent sans certitudes, et les économistes observent l’incertitude ; dans le « après », les médecins auront mérité un juste repos et les économistes parleront, pour que les politiques puissent savoir comment agir…

Ce qui est acquis dans cette crise, au Maroc, c’est que nous en sortirons dans un état autre que celui qui était le nôtre avant sa survenue, plus grave. Près de 150.000 entreprises en arrêt partiel ou total, temporaire ou définitif, pas loin d’un million d’employés mis au chômage, et si leurs employeurs ne reprennent pas leurs activités, ils seront sans ressource dans trois mois. Les banques, appelées aujourd’hui à consentir un effort conséquent, seront en mal de liquidités et dans la difficulté de lever des fonds facilement, le monde entier étant dans la même situation. Quant à l’Etat, il dépense sans compter et il devra bien un jour faire les comptes.

Or, c’est à lui qu’incombe le rôle de redresser dans l’urgence (sociale) un tissu entrepreneurial (économique) complètement effrité et qui menace ruine. Il est aujourd’hui temps de constater que la puissance publique reprendra son rôle d’avant, régulatrice, sociale et interventionniste au besoin. Avec quels moyens ? La réflexion est ouverte et chacun est appelé à y aller à toute vapeur…

Alors même que l’on ne connaît pas l’étendue des dégâts car on n’a pas encore arrêté l’hémorragie des fonds et l’hécatombe des entreprises, les économistes insistent déjà sur la nécessité d’un immense effort budgétaire et s’accordent sur la fin de cette orthodoxie, voire religion, des équilibres macroéconomiques. Persister à parler de ces équilibres et de l’Etat qui ne s’endette pas équivaut à préconiser l’immunité collective pour faire face au Covid-19…

Il est évident qu’entre février et juin 2020, le monde aura connu une secousse dont la précédente, de mémoire humaine, remonte à 1945, avec cette différence qu’en 2020, la situation est pire du fait de la globalité de la menace et de l’interaction des économies du fait de cette funeste mondialisation. Or, ce n’est que dans les grandes crises que les humains ont pu prendre les grandes décisions. Au Maroc, il faudra revoir l’ensemble de ces grands principes : l’endettement à laisser courir, la fiscalité à revoir hardiment, le statut de la banque centrale et de son « indépendance » à repenser, le retour sur un « nationalisme » économique (comme feront les autres Etats, pratiquement tous) en vue d’assurer une « souveraineté » alimentaire et industrielle…

Sur le plan politique, il faudra décliner ces politiques avec audace et conviction, avec mesure et circonspection, mais dans tous les cas résolument. Avons-nous dans le royaume une telle classe politique, simultanément audacieuse et convaincue, mesurée et circonspecte ? Trois partis politiques se sont prononcés : le RNI et son président Aziz Akhannouch ont clairement pris position pour l’engagement public par la dette, par la monnaie nouvelle… Dans une moindre mesure, l’Istiqlal milite pour une loi de Finances rectificative qui va dans le sens de la dépense publique, et le PJD par la plume de son président du conseil national Driss Azami el Idrissi défend la rigueur budgétaire (et non l’austérité) et met l’accent sur la solidarité nationale et une fiscalité repensée.

A défaut d’être ouvert, le débat s’est ouvert, avec trois forces politiques crédibles dans leur positionnement, audibles dans leurs politiques et susceptibles de rapprocher leurs « dogmes ». Il est urgent d’en parler, transcendant les clivages habituels modernistes vs conservateurs, opposition vs majorité. Il est possible qu’une nouvelle configuration politique se dessine pour le Maroc d’après le confinement…

Aziz Boucetta



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