(Billet 320) – Sur ta femme, tu ne taperas point !

(Billet 320) – Sur ta femme, tu ne taperas point !

Le confinement est-il une bonne nouvelle pour les femmes habituellement violentées par leurs conjoints ? Il semblerait que oui, puisque les chiffres de ces violences ont admirablement baissé depuis un mois, dit le parquet, sauf que… Tout le monde sait que ces violences se sont accrues avec le confinement, et certainement davantage encore avec le confinement et le ramadan, et chacun conviendrait que si les chiffres ont reculé, c’est parce que les gens ne sortent pas et qu’il est difficile, voire périlleux, de dénoncer un individu violent alors qu’il est là, menaçant…

Imaginez un époux violent, quel que soit le type de sa brutalité, physique, économique, sexuelle, psychologique… Puis imaginez-le confiné chez lui, avec interdiction de sortie et sortie que sur autorisation… procédures énervantes, promiscuité irritante, progéniture hurlante, incertitude professionnelle angoissante… et imaginez maintenant une contrariété quelconque, une privation ou une crispation, les premiers jours de ramadan… Nerfs à fleur de peau, tonnerres et ambiance délétère dans les chaumières. Imaginez…

Le plus grave, le plus atroce est que ces dames battues, bottées et comptant leurs abattis sont plus nombreuses que de coutume car cela se passe dans le secret des maisons, sans possibilité de dénonciation puisque le tourmenteur est là, à proximité, à portée de gifles… L’ONU s’en est alarmée : « Le monde a connu une horrible flambée de violences domestiques, avertit, horrifié, le secrétaire général Antonio Guterres, malheureusement, de nombreuses femmes et jeunes filles se retrouvent particulièrement exposées à la violence précisément là où elles devraient en être protégées. Dans leurs propres foyers ». En France, les signalements de violence ont bondi de 35% par rapport à la « normale », au Royaume-Uni, de 25%, en Espagne, de 16%, au Texas, de 20%, en Tunisie, les cas de violence conjugale ont explosé, multipliées par 5 !

Au Maroc, c’est l’inverse qui se produit… Dans sa note aux procureurs généraux du pays, leur chef Mohamed Abdennabaoui s’est logiquement inquiété de la baisse des signalements, estimant que les 892 plaintes enregistrées ne reflètent pas l’amère réalité et que les 148 poursuites judiciaires pour violences conjugales ne représentent que 10% des chiffres en situation « ordinaire ». Cela doit cacher les drames tus vécus par ces femmes qu’on tue à petit feu, ces hurlements silencieux des épouses et des enfants muets de terreur. En 2018, à titre d’exemple, près de 10.000 cas de violence conjugale avaient été enregistrés… sans confinement physique, sans angoisse économique et sans incertitude sur l’avenir. On peut imaginer ce que c’est aujourd’hui dans les chaumières exigües… Une fois la crise passée, les chiffres risqueront de cogner autant que les maris !

Les services de police et de gendarmerie sont parfaitement conscients de la situation, mais ils sont « limités » par la loi et le droit, pieds et poings liés face à des brutes qui piétinent le droit autant que leurs proches… car les femmes ne sont pas seules concernées quand Hulk devient vert de rage, puisque les enfants regardent et assistent à cela. Cela étant, police et gendarmerie interviennent en cas de flagrant délit dénoncé par le voisinage, et sont en phase de mise en place de systèmes de communication de plus en plus sophistiqués pour les appels à l’aide, en plus du 190 et du 8350.

Il reste donc la société civile, les voisins, la famille… « Pestez, pestez, pestez » contre les époux, frères et pères violents comme des méchants de série B. Faites-le pendant les actes de violence afin de créer la situation de flagrant délit et de permettre à la maréchaussée de venir pour intervenir ou intercéder… Pourquoi ne pas impliquer les gardiens d’immeubles qui voient tout, les gardiens de voiture qui entendent tout, les moqaddem et chioukhs qui savent tout sur tous ?

De même qu’autrefois, il fallait « terroriser les terroristes », par le droit, il faut aujourd’hui « frapper les frappeurs » par la loi, pour éviter aux femmes et aux enfants la double peine de la peur du virus tueur et de la terreur face à un mari/père cogneur.

Aziz Boucetta

 

 

 



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