(Billet 324) – Ce que nous pourrions être après le Covid-19… si on veut !

(Billet 324) – Ce que nous pourrions être après le Covid-19… si on veut !

L’une des leçons majeures à tirer de cette pandémie du Covid-19 à l’échelle planétaire est que la définition de la puissance des Etats appelle à une révision. On a vu comment se nouaient les drames dans des pays riches et développés, avec les hécatombes enregistrées en France, en Espagne, en Italie, Au Royaume-Uni, aux Etats-Unis… et on a pu constater comment des pays considérés pas développés ou, pour être gentil à revenu intermédiaire, ont su relativement s’en tirer, et délicatement tirer leur épingle du « jeu ». Parmi ces pays, le Maroc…

Oh certes, on ne connaît pas vraiment les chiffres détaillés, et nous en sommes encore à environ 3.000 dépistages par jour, avec objectif d’atteindre rapidement les 10.000 quotidiens. Cela crée de l’incertitude et une vague et diffuse inquiétude. Mais le Maroc nous a montré que sa maîtrise de la pandémie se fonde essentiellement sur sa gestion de la rareté… rareté des équipements, rareté des personnels, rareté des finances… et retour sur nos moyens, en plus de nos capacités et habitudes ancrées depuis des siècles et vouées aux gémonies depuis des décennies…

Sur le plan politique, on a vu un Etat fort réagir avec force, sans hésitations ni trop longues tergiversations. D’emblée, c’est le chef de l’Etat qui a pris les choses en mains, sans même trop apparaître, avec une grande assurance et un admirable sang-froid. L’argent, avec la création du Fonds Covid, c’est lui… l’appel en renfort de l’armée, c’est encore lui… la suspension des rituels religieux, c’est toujours lui (en sa qualité de président du Conseil des Oulémas qui a pris les décisions de fermer les mosquées) … Le chef du gouvernement n’est même plus un « collaborateur », les affaires étant menées principalement par le Comité de veille économique qui n’a pu être désigné que par le roi (comme le laisse entendre la présence du remuant Abdellatif Jouahri, du bouillant Chakib  Alj et du très flegmatique Othman Benjelloun…).

Pendant ce temps-là, livrée à elle-même, la majorité politique et la majorité des ministres faisaient… des bêtises, comme en témoigne l’absurde projet de loi 22-20 dont tout le monde s’est lavé les mains au gel tragicomique.

Au niveau économique, on a vu devenir possible ce qui était impensable quelques semaines auparavant. Mobiliser 35 milliards de DH en quelques jours et distribuer de l’argent directement aux citoyens, même les plus « informels » d’entre eux, en s’appuyant sur une infrastructure et logistique bancaires insoupçonnable. Puis l’Etat a offert sa garantie aux banques pour qu’elles soutiennent le tissu productif, qui doit maintenir les emplois. Couacs en vrac certes, les banques refusant souvent de banquer, en dehors de certaines qui ont joué le jeu, mais toutes ont compris les enjeux.

Et l’industrie se mit en marche… un peu de recherche, beaucoup d’audace, quelque imagination, et voilà que partout, on réforme et on informe, on lance des idées et on repense des industries, on fabrique du matos, on dope la recherche…

Pour le social, on a vécu, et on vit encore un confinement tendance dure, avec couvre-feu, drones et applications numériques de contrôle, pour des populations entassées dans les cages proposées jadis par des promoteurs peu scrupuleux avec l’assentiment d’un Etat peu regardant. Et là encore, pas plus de dégâts qu’ailleurs… les autorités apparaissent sous un nouveau jour et restent à l’œuvre même la nuit, applaudies par les citoyens, conscients du rôle nouveau incarné par l’Etat.

Le Maroc se découvre enfin et le monde (celui qui s’y intéresse, du moins) le découvre aussi… Sa longue histoire et son système politique ont montré qu’il pouvait réagir, en étroite communion entre le roi et la population, dans une splendide manifestation du slogan « la révolution du roi et du peuple ».

Que nous manque-t-il aujourd’hui pour assurer « une évolution du roi et peuple » ? Avoir la conscience de ce que nous sommes et de ce que nous fûmes, promouvoir cette confiance nouvelle entre Etat et citoyens pour dessiner les contours de ce que nous pourrions être, et asseoir une gouvernance plus audacieuse, plus ambitieuse, où chacun jouerait son rôle et où chacun rendrait des comptes.

Nous avons ce pouvoir. Il suffit de le vouloir. Mais a-t-on le choix ?

Aziz Boucetta

 



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