(Billet 345) – Frais scolaires, les parents n’ont pas forcément raison

(Billet 345) – Frais scolaires, les parents n’ont pas forcément raison

Et de nouveau, le haro sur les établissements privés d’enseignement surgit bruyamment ! Face à la situation sanitaire que connaît le royaume et au confinement qui va avec, les parents se sont retrouvés enfermés chez eux, assurant la garde de leurs enfants et la sauvegarde de ce qui peut l’être en matière pédagogique. Ils demandent des faveurs financières aux écoles, lesquelles résistent, face à un ministère qui ne sait plus où donner de la tête. Problème.

L’affaire est simple, a priori du moins, dans l’esprit de nombre de parents… Les chères petites têtes brunes ne vont pas en classe, donc les écoles engrangent de l’argent puisqu’elles ont des frais en moins, et doivent logiquement consentir un effort en réduisant les frais de scolarité du 3ème trimestre ; et au besoin, il est nécessaire que l’Etat et en particulier le ministère de tutelle, celui de l’Education nationale, qui ne font rien, fassent quelque chose. Un raisonnement de dessin animé…

Mais le problème est plus complexe. En effet, aux termes de la loi 06-00 formant statut de l’enseignement scolaire privé, le ministère n’a pas la main sur les relations régissant les parents d’élèves aux établissements privés d’enseignement. Les négociations doivent se dérouler entre les deux parties, et entre elles seulement.

Or les écoles privées remplissent une mission de service public, lequel rime avec ordre public, et aussi opinion publique. C’est pour cette raison que le ministère dirigé par Saaid Amzazi a pris l’initiative de lancer une médiation, au niveau central et régional. Pour d’évidentes raisons de continuité de l’enseignement, il avait interdit aux établissements privés de fermer et de licencier, et il essaie aujourd’hui de créer une relation faite de compréhension, de confiance et de dialogue entre les deux parties.

Les parents, rudement ébranlés par le confinement, la baisse d’activité, souvent le chômage ou la baisse drastique de leurs revenus, réclament de ne pas payer les frais du 3ème trimestre, ou au moins de les voir réduits. Quant aux établissements privés, il faut savoir que tenus de poursuivre leur activité et sommés de ne licencier personne en payant tout le monde, ils se trouvent en danger sérieux de faillite, surtout lorsque l’on sait que des réductions de frais ont été offertes par une très grande partie des écoles. Le ministère ne peut rien faire, mais ne se dérobe pas, jouant les facilitateurs.

Il existe environ 5.800 établissements privés dans le royaume, et seule une infime partie d’entre eux gagne beaucoup d’argent ; elle se reconnaîtra. Les autres ont du mal à boucler leurs fins d’années, car avec trois trimestres de recettes, ils doivent s’acquitter de quatre trimestres de charges (crédits, assurances, loyers…), les personnels pédagogiques, administratifs et auxiliaires étant bien évidemment payés en été. L’Etat vient de décider de dédommager, avec effet rétroactif en mars, les personnes auxiliaires qui n’auront pas reçu leurs salaires durant ces trois mois.

Si les parents continuent de tirer sur la corde, ils se tireront une balle dans le pied aussi car la période Covid-19 passée, il faudra gérer l’après… et si après, les écoles de leurs enfants sont sérieusement cabossées, ce seront leurs enfants qui en pâtiront, et par effet ricochet, eux-mêmes. Pourquoi les ménages demandent-ils à gagner sur le poste éducation et non sur les autres dépenses, santé, alimentation, transport ?

Aussi, pour faire bonne figure, l’Etat pourrait, devrait, doit consentir un effort fiscal en faveur des écoles privées (sur l’impôt sur le revenu, les impôts indirects…), à la condition expresse que celles-ci le répercutent en réduction des frais dus aux parents en véritable difficulté. L’Etat est certes quasiment ruiné, mais M. Amzazi devrait poursuivre ses efforts et convaincre son collègue M. Benchaaboun qu’il est inutile, et dangereux, de ruiner financièrement aussi l’enseignement privé. Après tout, puisque le gouvernement a tout fermé, il doit aujourd’hui ouvrir les vannes…

Les parents sont souvent en conflit avec les écoles de leurs enfants, pour des raisons qu’on peut admettre, mais ce sont là des problèmes d’adultes. Est-il bien sérieux pour les parents, et l’Etat, d’ignorer les circonstances exceptionnelles et de mettre en danger ces établissements qui, qu’on le veuille ou pas, sont un facteur déterminant de la vie des enfants, déjà perturbés par un confinement qui n’en finit pas ?

Les enfants ne devraient pas pâtir du stress mental et financier de leurs parents ou du désarroi de l’Etat !

Aziz Boucetta

 

 



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