(Billet 347) – Le confinement, BARAKA !

(Billet 347) – Le confinement, BARAKA !

Toute personne qui expliquerait gentiment et patiemment à notre gouvernement qu’on ne peut tous rester confinés jusqu’à l’extinction totale du virus en serait grandement remerciée… Au Maroc, en effet, le déconfinement est aussi peu maîtrisé que la Covid-19 semble l’avoir été. Des chiffres d’évolution de l’épidémie encourageants, des lits disponibles, des médecins civils et militaires en veille, une population plus ou moins sensibilisée aux mesures de précaution… Mais non, le gouvernement médite beaucoup et hésite plus.

L’hésitation apparaît d’abord dans la mode d’annonce du confinement. La première fois, mi-mars, c’est Abdelouafi Laftit qui vient, avec toute l’aura que lui confère sa fonction de Wazir Adda’khiliya, et tonne : « Tout le monde chez soi et le virus sera bien gardé ! ». Très bien, tous les pays étaient là-dedans, et les Marocains ont à leur tour obtempéré, inquiets, angoissés et apeurés. Le 1er prolongement, c’était donc un mois après, mi-avril, et là, c’est le gouvernement qui décide de dégainer un décret… c’est reparti pour un mois. Mais puisque c’était ramadan et que les Marocains et ramadan, on connaît, un couvre-feu a été instauré la nuit, et là encore, c’est l’imposant M. Laftit qui brandit un communiqué au ton sec et froid, interdisant tout mouvement non autorisé le soir et la nuit, et rappelant qu’il avait les moyens de le faire respecter.

Pour le 2nd prolongement, alors que les gens s’interrogeaient, c’est le chef du gouvernement qui se transporte au parlement et nous fait une longue bafouille d’une heure et demie dont on ne retient que cela : 3 semaines de plus, le 10 juin, donc… Va pour le 10 juin. Et c’est là que les choses dérapent… puisque le lendemain, le plutôt discret Mohamed Benchaaboun vient à la même tribune et se lamente de perdre 1 milliard de DH par jour. Calcul rapide : en 85 jours de confinement, 85 milliards de DH de perdus, 9 milliards de $, soit près de 8% du PIB. Le gouvernement confine sans compter et, on le sait, quand on aime, on ne compte pas, même si on confine.

Entretemps, des pays qui ont eu des dizaines de milliers de morts, qui ont entassé les corps dans des églises, qui en ont enterré d’autres dans des fosses communes, ont déconfiné ou déconfinent. Sous nos cieux, le gouvernement ne sait pas quoi faire, avec 200 décès et quelques milliers de cas « seulement ». En tous cas, il ne parle pas, ne dit rien. M. Elotmani ne dit plus rien, M. Benchaaboun ne sait quoi dire et M. Laftit dit le contraire de ce que ne disent pas les autres… nous laissant, nous autres, dans le « on-dit ». Prolonger ou ne pas prolonger, telle est désormais la question sur toutes les lèvres, pincées…

On peut penser que puisque rien n’a été dit, le chef du gouvernement annoncera demain la fin du confinement général, et se prononcera sur son allègement. Mais on peut penser que, aussi intraitable qu’inimitable, il demandera, voire quémandera, un petit rab de quelques jours. Ou pas, ou peut-être… jusqu’à n’en plus pouvoir. Inchallah.

Cela fait trois mois que le gouvernement agit, avec des grincements et de la prudence, avec des doutes et parfois beaucoup d’assurance, et cela fait trois mois que nous applaudissons. L’Etat a protégé sa population (hormis cette tache sombre des 32.000 Marocains a-ban-don-nés dehors). Mais, redisons-le, rien n’aurait été possible sans une adhésion franche et massive de la population, toute la population, en dépit des inévitables refuzniks.

Aujourd’hui, l’Etat doit nous parler, nous expliquer, de manière convaincante si possible. Il est anormal, et encore plus inadmissible, que ces dix derniers jours, le gouvernement nous ait laissés en proie au doute et proie de la rumeur. Les gens sont fatigués de ne rien faire et de se regarder se paupériser sans réagir… les forces de l’ordre sont épuisées de sévir… l’économie n’en finit pas de dépérir.

Chers MM. Elotmani et Laftit, vous avez hier pu confiner, vous devez aujourd’hui savoir et oser déconfiner. Faites en sorte que tout ce qui a été fait de beau et de bien jusque-là ne fasse pas aujourd’hui pshiiit.

Aziz Boucetta

 



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